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Levons les yeux!

Vous le savez, la lutte contre le harcèlement sexuel me tient particulièrement à coeur. En 2017, j’ai demandé à la Ville de Lausanne qu’elle mène une politique ambitieuse d’éducation contre le harcèlement de rue. Elle a répondu avec efficacité à ma demande, notamment en confiant à Yann Marguet la réalisation d’un clip de sensibilisation. Mais elle a refusé de créer une application contre ce fléau, laissant à la société civile ce projet.

J’en ai pris acte, et ce 8 mars, j’ai le plaisir d’avoir annoncé que, avec une jolie équipe de bénévoles qui constitue l’association EyesUp, nous créons nous-même cette application.

L’idée est née d’un constat simple : la plupart du temps, pour une cible de harcèlement sexuel, il n’est pas possible de réagir sans se mettre en danger ; une des seules réactions à disposition est donc de s’effacer et d’oublier au plus vite. En bref, de baisser les yeux…

Cette application a pour but de donner un outil concret aux cibles du harcèlement pour le signaler, plutôt que de baisser les yeux ou, pire, de se mettre en danger. Elle servira aussi à sensibiliser et informer. En mettant en lumière chaque cas, ensemble, cette application permettra de toucher les consciences et les autorités pour faire bouger les choses.

Bien que le harcèlement sexuel soit une problématique très répandue et connue de tou.te.s, ses occurrences sont rarement mises en évidence ou rapportées. Une représentation soi-disant floue de ce qui constitue le harcèlement nourrit la tendance à l’inaction ou à l’opposition au changement social. En apportant aux cibles et aux témoins un moyen d’action simple, anonyme et discret, EyesUp a la vocation de documenter les occurrences de harcèlement sexuel pour les rendre plus réelles et visibles.

Le harcèlement sexuel, à travers de nombreux mécanismes tels que l’objectivation, a de réelles conséquences sur les personnes qui en sont la cible. Consciemment ou non, l’objectivation crée souvent de l’anxiété vis-à-vis de l’apparence et de la sécurité, de la honte, une réduction de l’intéroception et du flow qui peuvent mener jusqu’à la dépression voire des troubles du comportement alimentaire ou sexuel [Szymanski & Moffitt (2011)]. Vivre le harcèlement sexuel dans le silence, le banaliser ou tenter d’oublier lorsqu’il a été subi ne permet pas de lutter contre son impact néfaste, autant sur le plan individuel que sociétal.

Malgré le caractère inacceptable de l’acte, le harcèlement sexuel ne fait que très rarement l’objet de dénonciations à la police. Même si elle devrait être la première réponse, la complexité de la démarche lors d’un dépôt de plainte ne se prête pas à la dénonciation d’un acte, parfois subi de nombreuses fois par jour, par des auteurs différents et inconnus. EyesUp vise à simplifier et à anonymiser au maximum la démarche de signalement, à travers une application mobile accessible en tout temps et en tous lieux.

Malgré des statistiques alarmantes, dans le cadre du harcèlement de rue, par exemple 72 % des jeunes lausannoises ont été confrontées, au moins une fois, à un épisode de harcèlement de rue au cours de 12 derniers mois (50 % au moins une fois par mois), l’ampleur et la réalité du problème semblent souvent négligées. La vocation d’EyesUp est donc d’enrichir ces statistiques grâce à des données plus concrètes et constamment évolutives.

EyesUp permet donc aux cibles de harcèlement sexuel d’agir pour elles-mêmes, de ne pas baisser les yeux, de garder la tête haute sans se mettre en danger, tout en contribuant à la lutte contre ce phénomène au niveau collectif.

Finalement, EyesUp a également la vocation de regrouper des ressources pour soutenir, informer et sensibiliser. Elle rassemble des articles de vulgarisation scientifique, des fiches d’informations, des astuces ainsi qu’un recueil des associations actives dans les domaines pouvant toucher au harcèlement sexuel.

Grâce à une extraordinaire petite équipe de bénévoles, le projet est déjà bien avancé et promet d’avoir de la gueule ! Je suis convaincue que ce sera un outil précieux pour toutes les cibles de harcèlement sexuel (partout où il a lieu : dans la rue, les transports, les bars, au travail, au fitness, etc.) et pour récolter des données concrètes, sécurisées et anonymes.

Afin de donner vie à ce projet, nous lancerons le 21 mars 2019 une campagne de récolte de fonds par crowdfunding, qui durera un mois. En attendant, retrouvez EyesUp sur son site internet, sur les réseaux sociaux: Facebook, twitter, Instagram et YouTube et inscrivez-vous à la newsletter.