Skip links

Des médicaments à quel prix?

En Suisse, les médicaments sont très chers en comparaison internationale. Même s’ils restent moins chers que les médicaments sous brevet, les génériques n’échappent pas à la règle et sont de plus peu vendus en Suisse (30% de part de marché). Pour pallier ce problème, le Conseil fédéral propose un système de prix de référence (RPS) pour les génériques. Mettre en oeuvre une réforme pour diminuer le prix des génériques est un bon objectif, mais le prix de référence a des travers difficiles à concilier avec l’idée que les VERTS se font de la santé publique. Nous allons donc lui préférer une autre voie : une baisse des prix d’usine plus rapide et pérenne d’une part, mais aussi la neutralisation des marges de distribution et la suppression des incitatifs négatifs afin de pousser la vente des génériques plutôt que des médicaments plus chers.

Ce refus du prix de référence se fait au profit d’un système plus juste pour les patient·e·s et pour les pharmacien·ne·s. Un système qui permettra des économies et une plus grande pénétration des génériques et biosimilaires face aux préparations originales qui enrichissent la Big Pharma. Le tout en préservant la qualité des soins.

C’est quoi le RPS?

Le concept du système du prix de référence consiste à fixer un prix pour un groupe de médicaments. Largement répandu en Europe, sa mise en oeuvre diffère quant à la détermination des groupes pris comme référence et à la fixation du prix. Dans le modèle proposé par le Conseil fédéral, l’OFSP fixe un prix seuil en-dessus duquel le médicament n’est plus remboursé. Au-delà, c’est le·la patient·e qui doit payer la différence s’il·elle souhaite un autre médicament. Ce système ne serait applicable que lorsqu’au moins trois médicaments voyant leur brevet échu et contenant la même substance active ou ayant la même composition de substances actives sont présents sur le marché. Les économies envisagées seraient de l’ordre de 310 à 480 millions. 

C’est quoi le problème?

Le prix de référence proposé par le Conseil fédéral présente trois risques majeurs. Le premier est de diminuer la qualité des soins en particulier pour les patient·e·s chroniques et les personnes âgées, qui risquent de devoir changer de médication pour des produits qui conviennent moins bien suivant les aléas de variation du prix de référence. Le deuxième est qu’il met en péril l’approvisionnement en médicaments de la Suisse. En effet, il augmente le risque de ne pas vendre, ou à un prix insuffisamment intéressant, un médicament qu’il faut produire, emballer et stocker. L’industrie, les grossistes et les pharmacien·nes·s ne voudront ou ne pourront pas prendre ce risque. C’est ce qu’on récolte en laissant la santé à la merci de la course à la rentabilité privée. Troisièmement, sur le plan éthique, le prix de référence est aussi difficilement défendable, puisqu’il ne s’agit pas de contrôler les prix des médicaments, mais de fixer un prix à partir duquel les génériques ne sont pas pris en charge par votre assurance maladie. Vous avez de la peine à joindre les deux bouts ? Votre choix de médicament vient de se réduire drastiquement !

Pour une baisse de prix rapide et pérenne

Face à ces risques, les VERTS, avec la majorité de la Commission, ont plutôt choisi d’agir sur plusieurs fronts à l’origine du problème actuel. Ce paquet de mesures vise, tout d’abord, à découpler les marges touchées par les pharmacien·ne·s et les médecins dispensant à la vente des médicaments pour les inciter à délivrer les médicaments les moins chers. Il suffit pour cela de réviser l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS), qui fixe cette marge. À cette proposition de commission déposée par les VERTS s’ajoutent des mesures introduites directement dans l’ordonnance : les prix du marché seraient ré-examinés annuellement (et non plus tous les trois ans comme c’est le cas aujourd’hui) et le prix de chaque générique est diminué de 5% par rapport à son original.

Ce paquet aurait pour effet de permettre une économie de 270 millions sur les génériques, en baissant leur prix de 5% et en supprimant l’incitatif négatif des marges qui poussent pharmacien·ne·s et médecins à vendre les médicaments les plus chers pour gagner mieux. Cela génère des économies durables et systématiques, contrairement au prix de référence, plus volatile. De plus, la révision de l’OPAS est plus rapide à mettre en œuvre que le prix de référence.

En somme, nous voulons des économies dans la santé, mais pas à n’importe quel prix ! Les VERTS ne sont pas pour les prix les plus bas, mais pour les prix les plus juste, c’est-à-dire le meilleur prix pour la meilleure qualité. Nous nous opposons à une médecine à deux vitesses. Au contraire, nous voulons des mesures justes et efficaces.

Sus aux médicaments les plus chers

Le droit de substitution qu’on les pharmacien·ne·s est un levier très efficace. Il leur permet de remplacer les préparations originales par des génériques meilleurs marchés. La commission avait en juin choisit d’imposer cette substitution, instaurant ainsi le monopole du moins cher qui présente des risques pour la qualité et l’approvisionnement. Depuis, cette proposition a été retirée au profit d’une autre que j’ai déposé. Elle introduit une obligation de substitution par l’un des trois médicaments les moins chers, pour autant que cela soit tout aussi adéquat du point de vue médical et pharmaceutique. Malheureusement, je n’ai pas été soutenu par la majorité de la Commission sur ce point, ce sera au plénum de prendre ses responsabilités. En effet, couplée à la suppression de l’incitatif négatif cité plus haut, cette mesure est certainement la plus efficace de tout ce paquet pour faciliter la pénétration des génériques et s’oppose frontalement à la Big Pharma. Elle est d’ailleurs soutenue par la FRC et les organisations de patients.

Agir là où ça a de l’impact

Les génériques représentent 700 millions de francs sur l’ensemble des coûts annuels à la charge de l’assurance maladie, qui s’élèvent à 32,6 milliards (2018). Selon Public Eye sur la base des chiffres de l’OFSP, sur les 8 milliards que coûtent les médicaments, 6 milliards sont dûs aux médicaments brevetés. Ces brevets, c’est une mine d’or que la Big Pharma défend jalousement et qui leur permet de pratiquer des prix indécents et mortifères. Nous demandons que le Conseil fédéral affronte l’industrie pharmaceutique là où ça fait mal, par exemple en imposant des licences obligatoires qui permettraient de commercialiser ces médicaments à moindre coût. Il en aurait le droit, mais se refuse à attaquer cette industrie aux noms suisses de Roche ou Novartis.

Regarder la réalité en face

Il n’en reste pas moins que les génériques sont trop chers en Suisse. Mais la pharma considère aussi que leur rentabilité économique n’est pas garantie : un tiers des coûts des médicaments à la charge de l’assurance sont des médicaments hors brevet sans générique, car l’industrie n’y a pas trouvé d’intérêt économique. Imposer un prix de référence dans un tel marché libéralisé et avide mais sans changer le système est non seulement naïf, mais aussi dangereux. Dans un postulat vert adopté en commission, nous demandons que la Confédération envisage une intervention subsidiaire, pour garantir l’approvisionnement de la Suisse en médicaments à bas prix, en agissant sur la sécurité, la durabilité et la qualité. 

Et les lobbies dans tout cela?

La Big Pharma, celle qui se fait des montagnes d’argent grâce aux médicaments sous brevet et qui veut absolument limiter la part des génériques dans ce marché lucratif, soutient officiellement le prix de référence dans sa version allégée, refusé en commission mais soutenu par le PDC et le PS, qui protège les brevets au maximum et exclut les biosimilaires. À leurs côtés : SantéSuisse, l’association des assurances maladies qui militent sans fard pour une réduction des coûts de la santé passant par une réduction de la couverture de l’assurance maladie, quelques soient les conséquences pour la qualité des soins.

En face, l’Association des pharmaciens et pharmaciennes, dont les conseils aux patient·e·s et l’indépendance par rapport au prix de vente des médicaments en passe d’être gagnée grâce à la proposition des VERTS sont des remparts face à la pression des lobbies de la pharma. Cette association a trouvé un accord avec Curafutura et Swica, assureurs plus progressistes, qui visent aussi des économies, mais pas au dépend de la couverture des soins. Pas par grandeur d’âme, mais parce qu’à terme, la qualité diminue les coûts de la santé.

Dans cet accord, l’industrie des génériques est une alliée de circonstance. Le président UDC d’Intergenerika, qui siège au sein de la Commission de la santé, a soutenu ces mesures d’économie sur les génériques de l’ordre de 5%. Le paquet de la majorité de la commission lui permet sans aucun doute de perdre moins qu’avec le RPS. Pour les VERTS, ce compromis garantit des économies tout en préservant les génériques de l’appétit féroce de la BigPharma qui souhaitent plus que tout anéantir ce marché qui leur fait concurrence.

Un changement de système plutôt que du rafistolage

Mais tout cela n’est que du bricolage dans un système cassé. Nous devrions mettre en oeuvre une vraie politique de santé publique avec des règles plus strictes touchant à l’ensemble du marché et des prix des médicaments. La réalité est tout autre, car en Suisse, la santé est un marché lucratif fait d’inégalités. Le Conseil fédéral doit prendre la mesure de la situation et envisager des réformes bien plus ambitieuses que les demi-mesures prévues. Il faut mettre les patient·e·s au centre, en favorisant la prévention et en cessant de croire à la fable des assurances maladies au service des assuré·e·s. Nous avons besoin d’une politique de santé publique qui affronte les enjeux de demain avec les deux pieds bien ancrés dans un système solidaire, qui prennent soin des patient·e·s et des soignant·e·s.

Ressource : Das Dilemma bei den Preisen: Sind Generika zu günstig, lohnt sich die Herstellung nicht mehr – das darf nicht passieren, publié dans le Luzerner Zeitung le 28.10.2020