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Pour des soins infirmiers forts

Madame la Présidente, Monsieur le Conseiller fédéral, chères et chers collègues,

Le débat se place aujourd’hui au niveau d’une demande très simple de la branche infirmière : obtenir les moyens de faire son travail.

Chacun·e le sait d’expérience : la qualité des soins croît en proportion de la quantité de travail investie dans leur production. Il est important de rappeler que chaque baisse de 10 % du nombre d’infirmières dans les hôpitaux provoque : 

  • Une hausse de 11% du risque de mortalité́ encouru par les patient·e·s 
  • Une hausse de 7% de la mortalité́ des patient·e·s 
  • Une augmentation des coûts due aux séjours hospitaliers de plus longue durée 

À la lumière de ces chiffres, la revendication des moyens d’accomplir sa tâche dans de bonnes conditions se révèle inattaquable. Le problème pour une partie de la classe politique, c’est que satisfaire sérieusement cette demande, c’est remettre en cause l’austérité, l’idée qu’on peut faire toujours plus avec toujours moins, les gains de productivité arrachés au prix de la santé des salariées et des salariés. Et aussi les boniments culpabilisateurs qui reportent sur les personnes la responsabilité de « prendre sur elles » pour atténuer les effets des restrictions budgétaires.

Le secteur majoritairement féminin des soins souffre des mêmes injustices que d’autres secteurs traditionnellement laissés aux femmes (comme l’éducation des petits enfants ou le nettoyage) : le discours économique rabâché par une partie des élues et élus renvoie les soins et la santé à la notion de dépense, tandis qu’on associe généralement ces métiers « relationnels » uniquement aux qualités supposément féminines de prévenance, de sollicitude et d’empathie. Faut-il que ces femmes aient le titre d’ingénieure ou de directrice générale en soins pour que la valeur et l’importance sociale de leur travail soit reconnu justement ?

Assimiler les services vitaux à des coûts, évoquer ces bienfaits comme dispensés par des femmes dévouées plutôt que des richesses créées par des travailleuses est une pirouette déplorable. Elle permet d’éluder une vraie question : notre système de santé défaillant n’arrive pas à traiter correctement la ressource précieuse représentée par le travail des infirmières, garantes de la qualité des soins et du lien humain avec les patientes et les patients, avec vos proches, avec nous.

Ces travailleuses participent pourtant à la production d’une même ressource collective dont nous ne saurions nous passer. À force d’infliger à ces travailleuses réputées endurantes des réductions de moyens alors que la demande croît, ça ne marche plus : la Suisse est déjà actuellement confrontée à une grave pénurie et des risques très importants se font ressentir pour la qualité des soins.

Or, la nature même des soins rend les emplois dans la santé non seulement indispensables, mais aussi non délocalisables et peu automatisables, car ils exigent un contact humain prolongé ou une attention particulière portée à chaque cas. Revaloriser cette profession mal payée et mal considérée est donc une chance pour notre système de santé, mais aussi pour l’économie de notre pays.

Face à ces faits, les Vert·e·s considèrent comme cruciale la demande des infirmières et ont depuis le début du processus lié à l’initiative “Pour des soins infirmiers forts” soutenu les revendications de ces professionnelles de la santé. Ils soutiennent également le contre-projet indirect, car il est indispensable de mettre en œuvre rapidement des mesures afin de lutter avec efficacité contre la pénurie de personnel soignant qualifié. 

Dans ce sens, les Vert·e·s considèrent que la Commission a agi, sur le principe, avec raison : le contre-projet permettra de former plus de praticien·ne·s et de reconnaître en partie les compétences issues de la formation qui leur est dispensée.

Cependant, il ne répond pas de manière satisfaisante aux demandes de l’initiative pour des soins infirmiers forts.

Il est en effet indispensable de fixer un nombre maximum de patient·e·s soigné·e·s par infirmière pour augmenter la qualité des soins fournis et surtout garantir un cadre professionnel décent. 

Ainsi, le personnel pourra mieux répondre aux besoins des patient·e·s. Au lieu de chercher à augmenter sans cesse le nombre de patient·e·s par infirmière, les établissements devraient embaucher de nouvelles soignantes de manière à garantir la même qualité de soins à toutes et tous.

Des mesures doivent aussi être prises pour garantir un environnement de travail qui permettent aux infirmières de travailler dans de bonnes conditions grâce notamment à une meilleure compatibilité du travail avec la famille mais aussi une planification fiable des horaires et des services.

Valoriser leurs compétences par un catalogue de prestations indépendant et la reconnaissance automatique de leur travail par les assurances maladie n’est qu’une question de bon sens sanitaire, mais aussi économique. Protéger ces travailleuses par une CCT ne serait que les intégrer à un modèle de partenariat social habituellement vanté par tous les milieux, patronaux comme syndicaux, afin de garantir une sécurité du travail leur donnant envie de poursuivre leur carrière.

Au cœur du conflit entre les besoins collectifs et l’exigence de profit, les infirmières devraient voir leurs revendications écoutées sérieusement. De bonnes conditions de travail dans les soins sont dans l’intérêt des personnes travaillant dans la branche certes, mais aussi de toutes celles et ceux qui auront besoin à un moment ou à un autre de soins : le groupe des Vert·e·s appelle ce Parlement à améliorer son contre-projet, mais surtout à soutenir l’initiative pour des soins infirmiers forts.