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Lausanne 2020 – de belles émotions et de grandes questions

Deux semaines, 8 sites, 81 épreuves, 1872 jeunes athlètes de 15 à 18 ans et 3600 bénévoles : Lausanne 2020 a été une très belle histoire pour Lausanne et ses régions de montagnes. Loin d’être des jeux olympiques en miniature, les JOJ sont des Jeux porteurs d’une philosophie propre : une compétition moins dure et plus participative (à l’exemple des concours d’équipes mixant les pays), les rencontres au cœur des jeux et des enjeux pour toute une jeune génération qu’il est parfois difficile de faire se cotoyer par-delà les frontières, des projets culturels comme pilier de l’organisation des évènements, de sorte à faire des jeux avec la population et les athlètes.

Pour moi, cela a aussi été la fin d’un engagement bénévole source de magnifiques émotions et de belles rencontres. Mon enthousiasme est pourtant égal à ma grande insatisfaction : malgré les promesses, ces JOJ ont eu un impact climatique lourd. Trop lourd. Touchée depuis petite par les valeurs olympiques et l’ambiance de partage qui se dégage de chaque Jeux, j’avais justement de plus grandes attentes pour « nos Jeux ». C’est pour cela que dès mon entrée au Conseil communal de la Ville de Lausanne en 2015, je me suis engagée fortement pour que la Municipalité réponde à la motion verte qui demandait déjà depuis longtemps de penser et repenser l’organisation des Jeux de sorte à en faire un exemplaire de durabilité. J’ai porté cet engagement en plénum, en commission ad hoc et en commission municipale des sports. Sans réponses. J’ai réitéré ma demande et mon engagement lors des débats du Grand Conseil, sans réponse. Elle n’est venue que quelques semaines avant l’ouverture des JOJ et était très insatisfaisante.

Les Jeux olympiques sont trop régulièrement le théâtre de dépassements outranciers de consommation et de compétition malsaine. Ils sont synonymes de construction massive, ne respectant ni les conditions de travail, ni l’environnement, ni aucun critère de durabilité. Sotchi et Rio sont les jeux de la honte avec un coût climatique et social inadmissible. Je me refuse à l’idée qu’ils soient désormais l’image des JO, car il est possible de faire autrement : les infrastructures existantes doivent dicter à elles seules le cadre et la taille des jeux dans les villes hôtes. Nous devons également cesser d’autres absurdités comme celles du transport de neige par camion… Quand le site ne convient pas, il n’y a pas de jeux à y tenir. Les dépenses doivent être réduites et les budgets adaptés à des jeux à taille humaine, sans sponsors et partenaires douteux. Or, les Jeux de Lausanne aussi ont été critiquables en plusieurs points : de la patrouille suisse pour l’ouverture des jeux au tunnel dans la montagne pour une piste de ski, en passant par les canons et les frigos à neige. Ce ne sont rien d’autre que des aberrations écologiques. Nous aurions dû faire mieux !

En somme, je suis profondément tiraillée : malgré le fondateur moderne des Jeux, aux idées coloniales et sexistes de son temps, c’est-à-dire déplorables, il y a dans l’Olympisme des valeurs honorables et qui me touchent. Elles ont traversé le temps et ont fédéré ici à Lausanne des jeunes par milliers au nom du sport, au nom de la solidarité et il n’y a rien de plus beau que de voir plusieurs générations se soutenir à cette occasion. J’ai encore en tête par exemple ce jeune athlète américain sauter dans les bras d’un athlète russe de joie pour le féliciter, alors qu’il venait de perdre la première place à son profit. Les JO, c’est aussi la fraternité et la sororité par le sport, une famille autour d’un événement qui touche au cœur : nous, 3600 bénévoles, toutes et tous différent·e·s en genre, en âge et en intérêts, étions si motivé·e·s et engagé·e·s pour les valeurs portées par le sport et par l’envie de partager et d’accueillir.

La Capitale Olympique devenait Ville olympique et je voulais faire partie de cette partie d’histoire de ma ville que j’aime tant par son plus joli côté : le bénévolat. À la base de ces jeux, cet engagement permet à toutes et à tous de pouvoir participer à cet évènement international à son plus beau niveau de partage et de rencontre. Donner de son temps de manière non rétribuée et librement pour défendre une cause, s’engager pour le fonctionnement d’un événement, aider les autres, c’est pour moi l’une des plus grandes richesses de la Suisse. Selon l’OFS, en 2016, un peu plus de quatre personnes sur dix effectuent du travail bénévole chaque mois y consacrant en moyenne 12,8 heures. Ces activités sont un bon indicateur de la cohésion sociale de notre pays favorisant le rapport à l’autre, l’engagement personnel dans la société, le soutien à autrui et tout cela de manière désintéressée. Cela permet aussi de développer toutes sortes de compétences qui devraient, par ailleurs, être mieux valorisées. 

Les Jeux olympiques doivent profondément être repensés et les essais des JOJ pour être durables sont risibles face au tournant qui doit être pris. Car, si chaque individu est aussi responsable de son propre impact climatique, c’est d’abord le système qui doit changer avant de compter sur chacun d’avoir la force de se priver soi-même d’un bonheur d’enfant – je ne l’ai pas eue– parce que le cadre rend impossible de le vivre en accord avec ses ambitions écologistes.

Parce que j’ai vécu cette force de solidarité et de bienveillance de l’intérieur, parce que je peux appréhender maintenant cette organisation par un bout de son fonctionnement intérieur, je militerai encore davantage pour des jeux plus humains, des jeux qui nécessitent plus de règles au sujet de la consommation d’énergie, plus de restrictions en matière de construction des sites, plus de bon sens. Mais aussi pour des jeux plus riches en émotions grâce à un message double : des jeux pour toutes et donc aussi pour notre futur.