Et on ne sait plus comment on faisait avant…
Le Revenu de base inconditionnel (RBI) est une somme d’argent suffisante pour vivre, donnée à chaque personne, chaque mois sans condition ni contrepartie (www.rbi-oui.ch). Il reconnaît à l’individu sa qualité intrinsèque et le droit à la dignité humaine sans lui imposer la condition de l’emploi.
Cette idée est soumise à votation populaire fédérale le 5 juin 2016. Si le RBI est accepté par le peuple et les cantons, il représentera l’amélioration sociale la plus franche et la plus bénéfique qu’a connu la Suisse depuis l’instauration de l’AVS. Voici un petit tableau de ce que pourrait être la vie en Suisse avec cette sécurité sociale et financière, pour rappeler ce que nous proposons, au lieu de nous focaliser sur les craintes qui immobilisent trop souvent la politique suisse. Toute ressemblance avec des personnes existantes est fortuite, mais les chiffres et les comparaisons internationales sont tirés d’études réelles.
Le RBI pour la dignité et pour redonner au travail sa vraie valeur
Nous sommes en 2020. Je travaille comme commissaire d’exposition et chercheuse indépendante. Ce n’est pas une activité stable et je n’ai donc pas un revenu mensuel assuré, mais je me consacre à ma passion et je travaille à la qualité de l’offre culturelle régionale en augmentant sa diversité, sans compter mes heures. Je suis aussi politicienne et j’offre une grande partie de mon temps à la vie publique de ma ville. En plus de cela, je m’occupe de mes proches et je donne beaucoup de mon temps à divers engagements bénévoles.
Aucune de ces activités ne me permettrait de vivre avec l’esprit tranquille sans le Revenu de base inconditionnel. Comme 98% des Suisses, je n’ai pas profité de l’instauration du RBI pour ne plus rien faire, mais au contraire pour diversifier mes activités et pour placer ma vie sous le signe de l’existence plutôt que de la survie.
Le RBI comme solution aux problèmes contemporains
Solution drastique aux dysfonctionnements aberrants de l’assurance sociale que nous connaissions alors, le RBI permet aux assistants sociaux de faire ce qui est effectivement leur travail – l’aide à la réinsertion – plutôt que ce qu’était devenu leur occupation principale : surveiller les bénéficiaires jusqu’à l’épuisement des uns et des autres. Venu remplacer ces aides, le RBI a rendu sa dignité à toutes et tous en renforçant et en simplifiant notre système social. Plus que tout, il a poussé des milliers de bénéficiaires des aides sociales à chercher une activité pour s’épanouir et s’intégrer dans la société, plutôt que pour éviter des punitions étatiques. Cela leur a permis de prendre un emploi même s’il ne rapporte pas autant d’argent que ce que l’Etat leur versait. Le RBI est aussi une réponse à la fin de l’idéal du plein emploi et à la robotisation croissante de la société, dont les revenus (qui me paie lorsque j’enregistre mes courses à la place de la caissière ?) vont dans la poche des actionnaires plutôt que des employés ou des consommateurs.
Le RBI source de dynamisme économique et social
Plus encore, le RBI a été le catalyseur d’un dynamisme national impressionnant. En octroyant une somme d’argent de départ à toutes et tous, le RBI redonne à l’individu sa propre responsabilité. Avec cet argent, chacun est ensuite responsable de mener sa vie comme il l’entend et se retrouve en position de faire de vrais choix, y compris de démissionner si ses conditions de travail sont trop mauvaises.
Ainsi, mon amie Britney S. a repris les études de médecine qu’elle avait dû arrêter lorsqu’elle a accouché de son premier enfant. Lionel M. quant à lui a pu diminuer son temps de travail pour passer son brevet fédéral de chef d’atelier en mécanique. Tous deux font partie des 54% des personnes qui ont profité du RBI pour entreprendre ou améliorer leur formation, participant ainsi à l’augmentation générale des connaissances et compétences en Suisse.
De son côté, mon oncle Donald T. a pu lancer sa petite entreprise de services sans avoir peur de la précarité financière des débuts. Comme 22% des Suisses devenus micro entrepreneurs grâce à la sécurité du RBI, il participe maintenant au très fort dynamisme économique de la Suisse, il travaille 12 heures par jour avec plaisir pour sa passion et a créé 2 autres postes de travail. Ses maux de dos et ses épisodes dépressifs liés à son ancien emploi ont disparus, allégeant d’autant les coûts faramineux de la santé au travail (environ 10 milliards de francs annuels et 4 à 8 fois plus pour les coûts indirects en 2015). Une meilleure santé générale de la population et une baisse de la criminalité sont également les résultats que montre l’instauration du RBI en Alaska depuis 1976.
Marie-Thérèse P., qui pratique l’escrime à haut niveau, et Bernard-Henri L., virtuose de l’accordéon, font rayonner la Suisse à l’étranger, car ils ont pu se consacrer à leur passion sans devoir trouver à la place un job qui « paie les factures » ni dépendre des aides de la Confédération.
Le RBI favorise l’égalité et l’engagement désintéressé
Le RBI est donc source de meilleure santé, d’un mode de vie plus responsable et de liberté. Plus incongru, ma voisine Ségolène R. remercie le RBI de lui avoir permis de divorcer. Son mari, avec qui ça n’allait plus depuis des années, avait une emprise financière dont le RBI l’a libérée (durant l’expérience du RBI menée au Canada dans les années 1970, on a notamment observé une augmentation des divorces). Face aux inégalités salariales et à la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel, le revenu de base est d’ailleurs une manière de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. En Namibie, lorsque le RBI a été testé entre 2008 et 2010, on a même vu une disparition quasi complète de la prostitution, à laquelle les femmes n’étaient plus poussées par la pauvreté.
D’ailleurs, le RBI a permis de revaloriser toutes les tâches ménagères et le travail des proches aidants (activités encore occupées 2 fois plus par les femmes que par les hommes), mais aussi le bénévolat – sans lequel la vie culturelle et la majorité des projets sociaux suisses ne pourraient simplement pas exister. Ce travail gratuit représente 60% du volume total des heures de travail en Suisse et il n’était jusqu’à l’instauration du RBI pas valorisé. Il a depuis été renforcé car de nombreuses personnes ont pu faire le choix de diminuer leur temps de travail pour s’occuper de leurs parents, de leurs enfants et pour donner plus de temps pour telle ou telle association. Ce travail socialement utile (contrairement à de nombreux bullshit job) est maintenant réellement soutenu par notre société, qui ne pourrait tout simplement pas fonctionner pas sans lui.
En 2020, pas plus qu’en 2016, notre vie ne doit se résume à la manière de gagner de l’argent et de le dépenser. En découplant la valeur d’une personne de celle que lui donne son salaire, le RBI est le système social le plus favorable à une qualité de vie qui devient une exigence politique: ne pas perdre sa vie à la gagner.
Images tirées du site de Génération RBI et illustrations de Hélène Pouille