AVS21 : après l’amertume, l’action
Le rejet des recours déposés par LES VERT·E·S contre la votation de septembre 2022 sur la réforme AVS 21 marque un moment de profonde déception pour celles et ceux qui espéraient un réexamen juste de cette décision. Cette réforme, qui augmente l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, a été adoptée à une très courte majorité de 50,57 %, soit une différence minime. La question de l’influence de ces chiffres erronés à propos de la santé financière de l’AVS sur le résultat final n’est pas tranchée, au contraire!
Une réforme adoptée sur des bases fragiles
La votation de 2022 sur AVS21 s’appuyait sur des projections financières pessimistes qui se sont révélées inexactes. Selon les calculs révisés de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), les dépenses de l’AVS en 2033 avaient été surestimées de 2,5 milliards de francs., soit exactement le montant économisé sur les dos des femmes avec l’augmentation de leur âge de la retraite Ces prévisions erronées ont pourtant été essentielles pour convaincre la population d’accepter cette réforme. L’enjeu de ce recours était symbolique : annuler la votation aurait permis de restaurer la confiance dans le processus démocratique, tout en permettant aux femmes de récupérer cette année de rente volée. Pourtant, les juges ont décidé de privilégier la stabilité juridique, en dépit des atteintes reconnues à la libre formation de l’opinion publique.
Les juges fédéraux, unanimes, ont en effet rejeté les recours en mettant en avant la sécurité du droit et en particulier la mise en œuvre partielle de la réforme déjà faite depuis janvier 2024 (notamment la hausse de la TVA).
Bien que la majorité des magistrat·es aient admis que les erreurs avaient pu influencer, voire influencer fortement le vote, ils et elles ont jugé qu’elles ne justifient pas une remise en cause de la décision populaire. Ce choix de privilégier la stabilité sur la justice sociale et démocratique soulève des questions profondes. Comment peut-on garantir une démocratie équitable si des informations erronées peuvent peser aussi lourdement sur des décisions d’une telle importance ? Comment justifier l’impact immense de ces erreurs sur la réalité de millier des femmes qui vont devoir travailler plus longtemps sans pour autant voir leurs conditions économiques – péjorée par un système inégalitaire – s’améliorer.
Révélateur du conservatisme suisse
Le rejet de ce recours met en lumière un conservatisme latent dans les sphères politiques et judiciaires suisses, qui tendent à privilégier l’ordre établi au détriment de la réparation d’injustices structurelles. L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, déjà plus exposées aux inégalités économiques et professionnelles, est une décision révélatrice d’un manque d’ambition pour l’égalité de genre. Les femmes touchent, en moyenne, un tiers de moins de rente que les hommes en raison de parcours marqués par des interruptions liées aux responsabilités familiales et par des inégalités salariales persistantes. Aujourd’hui encore, plus de 10 % des nouvelles retraitées doivent recourir à des prestations complémentaires pour subvenir à leurs besoins. Cette réforme aggrave ces inégalités structurelles plutôt que de les atténuer. Ce n’est pas un hasard si deux tiers des femmes ont rejeté cette réforme, qui faisait porter l’entier des économies sur notre dos.
Ce conservatisme pose également la question de la légitimité des institutions démocratiques. En refusant d’annuler un scrutin pourtant entaché d’erreurs reconnues par lui-même, le Tribunal fédéral envoie un signal ambigu quant à l’importance de la transparence et de l’intégrité dans les processus démocratiques. Ce choix risque d’alimenter la défiance envers nos institutions, à un moment où la participation citoyenne et la confiance démocratique devraient être renforcées et non fragilisées.
Quels espoirs pour l’avenir ?
Cependant, une fois notre amertume exprimée, le respect de la séparation des pouvoirs prime et c’est dans la sphère politique que nous continuons à nous battre. Il est à présent impératif d’introduire des mesures concrètes en faveur des femmes dans les assurances sociales, telles que des bonifications pour les tâches éducatives et le travail de care, assumées majoritairement par les femmes. Des propositions ont déjà été déposées en ce sens au Parlement et doivent désormais faire l’objet d’un soutien politique large.
De plus, cette affaire met en lumière l’urgence de rétablir la confiance dans notre démocratie par des mécanismes de contrôle renforcés. Après les premiers déboires concernant les bulletins de votes falsifiées, il serait temps que la transparence dans la communication des autorités devienne une priorité, afin d’éviter que des erreurs aussi lourdes de conséquences ne viennent fausser des scrutins cruciaux à l’avenir. L’histoire retiendra que l’AVS21 a été acceptée dans un contexte de désinformation. Il appartient maintenant aux acteurs·trices politiques, aux citoyen·nes et aux mouvements sociaux de se mobiliser pour que la norme de demain ne soit plus l’inégalité.