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CLASH! à la remise de la seconde édition du Prix Egalité du CLAVF

J’ai eu le plaisir cette année d’être présidente du Jury du prix pour l’Égalité du Centre de liaison des associations féminines du Canton de Vaud (CLAFV) et de sa distinction, remise à une femme remarquable. Ces prix ont pour but de valoriser les engagements pour l’égalité dans notre canton. Mais pourquoi est-ce nécessaire? Les résultats obtenus par l’engagement collectif, souvent militant, ne sont-il pas une reconnaissance suffisante, le vrai but de tous ces projets?

Une réflexion de la Femme remarquable distinguée cette année Anne-Flore Marxer répond particulièrement bien à cette question. Elle m’a confié un jour n’avoir jamais eu l’impression d’appartenir à ce mouvement admiré des militantes pour l’égalité, mais plutôt d’avoir fait ce qu’il fallait lorsqu’il le fallait, lorsque l’inégalité était trop insupportable ou l’engagement féminin trop beau pour ne pas être raconté. Toute une liste de petits engagements menés au quotidien qu’elle n’aurait jamais imaginé former un tout cohérent, applaudis par un parterre d’autres femmes engagées pour l’égalité.

Et bien je suis vraiment ravie que le CLAFV lui donne tort en la matière et que nous puissions mettre sous les feux des projecteurs ces femmes qui, individuellement ou collectivement, s’engagent pour d’autres femmes, pour qui il ne s’agit pas de faire quelque chose d’extraordinaire, mais d’agir. Parce qu’il est nécessaire, ultra nécessaire même, et urgent d’agir. Parce que l’égalité est encore loin d’être acquise dans notre canton comme ailleurs, parce qu’il y a encore trop de discriminations à combattre avec force, parce que l’égalité a encore besoin d’héroïnes.

Et des héroïnes, le CLAFV en a présenté toute une liste: des femmes qui s’engagent pour encourager la recherche et la connaissance du clitoris (Association Clitoris Moi), des femmes accompagnent d’autres femmes qui vivent des situations difficiles (Association Elles entr’aide), des femmes qui imaginent et programment une application contre le harcèlement sexuel (Association Eyes Up), des femmes qui soutiennent les personnes concernées par un vécu douloureux autour d’une naissance et/ou d’une grossesse (Association (Re)naissance), des femmes qui luttent contre la précarité menstruelle (Association Rowenna), des femmes qui sensibilisent, communiquent sur le sexisme et le harcèlement en milieu hospitalier (Collectif CLASH!), des femmes qui organisent une grève des femmes et féministe (Collectif Grève des femmes*/Grève féministe – Vaud), des femmes qui œuvrent en faveur de femmes atteintes du cancer du sein (Fondation Francine Delacrétaz). Chacune de ces organisations mérite nos félicitations et nos remerciements pour leur engagement à toute épreuve.

Si nous avons vraiment de quoi nous mettre en colère contre l’état des inégalités contre l’actualité qui nous rappelle bien trop souvent le chemin encore long à parcourir pour atteindre l’égalité, Anne-Flore Marxer, que nous honorons ce soir, ainsi que les 8 associations qui vous sont présentées nous rappellent que l’engagement pour l’égalité est aussi un plaisir, un moment de belle solidarité, un partage en toute sororité, que nous célébrons aussi ce soir.

Le Prix Égalité du CLAFV a été remis à une équipe de femme courageuses. Une équipe de femmes qui a fait bouger les choses et qui a séduit le jury par sa détermination, la force de sa voix, la promesse des fruits que porte son action. Une équipe de femmes qui s’est levée face à un système patriarcal, des féministes qui ne demandent pas mais qui exigent ce qui nous reviens: l’égalité. Cette équipe, c’est le CLASH!

Laudatio du Jury

« Si vous n’êtes pas déjà enceinte, je peux y remédier » entend une stagiaire médecin au CHUV.
« Je t’accompagne au vestiaire? » demande un chef de clinique du CHUV à une stagiaire médecin.
« Il faut deux femmes pour le travail d’un homme! » adresse un cadre du CHUV à une étudiante en médecine.
« Le chef m’a appelée choucou toute la journée », témoigne une médecin assistante au CHUV.

Ces remarques sont tirées de la campagne de sensibilisation mise en place au CHUV grâce à l’action du CLASH! Elles posent le décor, situent tout de suite l’urgence et la gravité du problème que les étudiantes en médecine du CLASH! veulent adresser par leur action.

En remettant son prix Égalité 2019 au Collectif de lutte contre les attitudes sexistes en milieu hospitalier, le CLAFV veut récompenser une équipe qui, dans les conditions précaires d’étudiantes, s’est dressée contre la hiérarchie très forte d’une institution respectée. Par ce prix, c’est un engagement de la révolte, un engagement du « ça suffit », un engagement de l’impatience, légitime, des femmes face aux violences qu’elles subissent qui est honoré. Le CLASH! personnifie deux ingrédients fondamentaux de la lutte pour les droits et les libertés des femmes: le courage et la solidarité.

Le courage d’abord parce qu’il s’agit pour ces étudiantes de s’opposer à un système dont elles sont dépendantes pour leur formation et pour leur avenir professionnel. Elles ont ainsi brisé le silence qui est actuellement la règle, fait dire à leur Direction qu’elle était atterrée – comme si elle est découvrait le problème – et revendiqué la tolérance zéro. De leur propre initiative, elles ont envoyé un questionnaire à 800 de leurs pairs afin de mesurer l’ampleur du sexisme ordinaire qui hante les couloirs des hôpitaux. Elles ont recueilli 185 réponses, dont 60 témoignages édifiants. Ces témoignages impliquent majoritairement des hommes auteurs et des femmes victimes, plus précisément des supérieurs hiérarchiques et des stagiaires. Ces témoignages font état de sexisme ordinaire, de dénigrement de la position des femmes tant au niveau privé que dans leur fonction de médecin, d’avances et de remarques déplacées sur le physique, de harcèlements et d’agressions sexuelles. Fort de ces données alarmantes, le collectif a obtenu du CHUV le soutien nécessaire pour mettre en place une campagne de sensibilisation, pour ouvrir une antenne téléphonique d’écoute pour les collaboratrices et collaborateurs en formation relative aux questions de sexisme et de harcèlement sexuel au sein du CHUV ou des hôpitaux formateurs partenaires, et pour inscrire un cours pratique obligatoire destiné aux étudiantes et étudiants en médecine de quatrième année, avec pour objectif de les sensibiliser à la thématique du sexisme. Elles ont ainsi dénoncé un système extrêmement délétère pour les étudiantes en médecine, qui les pousse régulièrement à réorienter, voire même à arrêter leur carrière médicale. Antonio Racciatti, directeur RH du CHUV, a ainsi commenté la situation: « il y a encore dans la profession une tendance à dénigrer les femmes et il faut changer cela ». Et c’est bien le courage des militantes du CLASH! qui a initié ce changement.

La solidarité ensuite, car, bien que le CLASH! soit un collectif initialement adressé aux étudiantes et étudiants en médecine, toutes les victimes et témoins de sexisme et/ou de harcèlement sexuel dans le milieu hospitalier romand peuvent être entendues, accompagnées et orientées par le collectif. Par ailleurs, l’écho médiatique donné aux actions du CLASH! a permis de thématiser largement le sexisme en milieu hospitalier, tant auprès du personnel de la santé, qu’auprès des patientes. Ainsi, c’est la voix des femmes de l’ensemble du milieu médical qui est portée solidairement par ces étudiantes qui ont pris du temps sur leurs études pourtant exigeantes, pour assumer cette charge solidaire.

Une charge qui de plus aura des effets surtout pour celles qui suivent. Car la culture sexiste met du temps à être réformée partout, et peut-être d’autant plus dans un monde médical très attaché à ses traditions et à sa hiérarchie. Comme aujourd’hui nous remercions toutes et tous les militantes pionnières ayant obtenu le droit de vote pour les femmes, la loi sur l’égalité, le congé maternité, les étudiantes et étudiants qui pourront, à l’avenir, suivre leurs études de médecine sans risque – ou au moins avec l’assurance que tout est fait pour limiter les discriminations et agressions sexistes – seront redevables de cette solidarité féministe intergénérationnelle offerte par le CLASH!

Solidarité encore quand le CLASH! s’engage très fortement pour accompagner l’ensemble des professionnelles de la santé, afin qu’elles puissent s’organiser à participer à la grève des femmes* et féministe du 14 juin de cette année.

Pour ce courage et cette solidarité, le projet du CLASH! mérite nos remerciements et nos félicitations. Mais c’est une reconnaissance plus large que nous leur adressons car leur engagement a un effet encore plus profond : celui de rendre le milieu de la santé plus inclusif et égalitaire. Grâce à la formation et à la sensibilisation, parfois au forceps, de leurs pairs, les militantes du CLASH! ont lancé – c’est notre espoir- un mouvement de fond pour que les soignantes et les soignants remettent en question les rapports de force genrés qui existent dans les hôpitaux, les cliniques, les centres de soins, mais aussi dans le monde académique médical, dans les prescriptions, dans les ouvrages scientifiques, dans les choix de traitement. Ainsi, pour l’égalité et pour la santé, le CLASH! a amplement mérité d’être récompensé par la faîtière des associations féminines et féministes vaudoises. Pour que ce prix permette de pérenniser et d’intensifier leurs activités pour lutter contre les violences sexistes en milieu hospitalier.

Le Collectif CLASH!

Anne-Flore Marxer portant la statuette de son Prix d'honneur 2019

EN COMPLÉMENT

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