Une jeunesse en crise
Être jeune et mal dans sa peau ? Une réalité pour de nombreuses personnes entre 14 et 25 ans. Si l’adolescence a toujours été reconnue comme un moment charnière dans le développement humain, la multiplication des crises au sein de notre société laisse des traces. La crise environnementale, le Covid-19, l’agression russe en Ukraine, le renchérissement de la vie sont autant de bombes qui tombent sur la tête des jeunes. Et il n’existe pas beaucoup de boucliers pour les en protéger (le 147 est l’un d’eux, utilisez-le!).
Pour la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, il est probable que la génération à venir vive dans de moins bonnes conditions que la nôtre. La pollution de notre planète et le manque d’action des politiques, en Suisse comme ailleurs dans le monde, amènent son lot de désillusions. On peut sans doute attribuer une partie de cette faute à l’âge moyen des parlementaires suisses, qui est de 51 ans au Conseil national et de 57 ans au Conseil des États… Alors que la population suisse des 18 à 30 ans représente 18%, iels ne sont représenté·e·s que par 3,3% des parlementaires. Pire, à 34 ans, je suis la plus jeune romande du Parlement pendant cette législature! Une génération de babyboomers, aux commandes d’un Parlement conservateur, qui ont vécu une vie reflétant une ascension sociale forte, liée en grande partie à une stabilité de l’emploi et à la paix.
Évidemment, l’âge des élu·es ne fait pas tout. La majorité en place du Parlement laisse en rade la politique de la jeunesse depuis des années. Or, les difficultés sont bien là : la réalité sociale est particulièrement stressante pour les jeunes, ce qui représente un danger exacerbé pour leur santé mentale. Ainsi :
- Les hospitalisations dues à ces problèmes psychologiques ont augmenté de 17% en 2021 chez les 10-24 ans, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS) ;
- Le suicide est la 2ème cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans après les décès accidentels selon l’OFS ;
- Les filles et les jeunes femmes sont particulièrement touchées par ce phénomène : en 2021, elles étaient 26% de plus à être admises pour un diagnostic de « troubles psychiques » par rapport à 2020, soit une hausse sans précédent.
Cette augmentation des problèmes de santé mentale chez les jeunes est une gageure au vu des manques de moyens mis à leur disposition. Il est nécessaire d’agir, car le milieu médical surchargé ne peut pas prendre en charge cette souffrance dans des délais et des conditions satisfaisantes. Et les moyens de prévention sont ridicules face aux besoins. En 2021, j’ai déposé une motion pour que le Conseil fédéral propose une stratégie nationale en matière de santé mentale, qui a malheureusement été rejetée en mars 2023 par le Conseil national. Pour le Conseil fédéral, accepter des postulats et faire des rapports pour « analyser les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la santé psychique et de proposer sur cette base des mesures adéquates, en tenant compte de la répartition des compétences entre la Confédération, les cantons et les autres acteurs » suffit comme réponse à l’urgence. Pas aux yeux des Vert·es, qui continuerons le combat lors de la prochaine législature !
Cet épisode démontre le décalage perceptible entre les réflexions politiques d’une génération qui n’est pas en adéquation avec les préoccupations de la jeune génération. À commencer par l’évolution des mœurs, où la monogamie et la famille nucléaire ne sont plus forcément la règle, où l’orientation sexuelle et le genre sont plus fluctuante et ouverte. C’est aussi une nouvelle perception du travail avec la multiplication des jobs et des réorientations professionnelles dans le courant d’une carrière. Ainsi que l’exigence d’avoir un travail ayant du sens et qui offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Finalement, le modèle sociétal des années 60 défendu par nos politicien·ne·s est totalement en décalage avec leur réalité. La lenteur du système Suisse et son fédéralisme apporte son lot de contraintes et c’est d’autant plus vrai quand on regarde l’inaction climatique du parlement. Cette génération est, sans doute, la première qui sera sacrifiée à cause de notre manque de réaction face au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Cela amène un fort engagement militant de leur part qui est souvent dénigré par les classes dirigeantes. Le manque de reconnaissance de la légitimité sociale de cette génération sacrifiée est profondément problématique.
Nous devons donc passer à l’action pour entendre leurs préoccupations et les faire plus participer à notre démocratie. Le droit de vote à 16 ans est une première démarche entreprise par les Vert·e·s, qui veulent aussi renforcer l’éducation à la citoyenneté, ainsi que l’exercice du débat et de l’esprit critique dans le cadre scolaire.
Durant la prochaine législature, il faudra lever le tabou des futures conditions de vie des jeunes générations, aujourd’hui fragilisées par les crises climatiques et sociales induites par notre système exploiteur de ressources et d’humains. Prenant leur avenir en main, les Jeunes Vert∙e∙x∙s ont proposé l’initiative pour la responsabilité environnementale, qui nous donne dix ans pour adapter notre système aux limites planétaires, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, le déclin de la biodiversité, la consommation en eau, l’utilisation du sol, les rejets d’azote et de phosphore à un niveau supportable pour la planète. Et pour les prochaines générations!