La médecine complémentaire n’a plus a prouver son efficacité. Pourtant, la Canton de Vaud souffre d’une mise en application trop lente de l’article 118a de la Constitution fédérale sur les médecines complémentaires, soutenu pourtant par 78,4% des votant.e.s vaudois.es, en 2009. Pour rappel, les Vaudois et les Vaudoises ont été les votant.e.s qui ont le plus plébiscité cette disposition constitutionnelle.
Les médecines complémentaires complètent la médecine allopathique. Elles améliorent la qualité de vie des patients, en réduisant les douleurs et les effets secondaires comme les nausées. Elles permettent des soins plus proches de certains besoins des patients (par exemple l’hypnose qui remplace les somnifères ou les anesthésies, ce qui permet moins de prescription de médicaments, moins de risques d’interactions ou moins d’addiction. Et moins de coûts). Moins de coûts en effet, car par exemple, aux soins intensifs, l’hypnose permet de réduire les coûts de traitement de 19’000.- par patient.e en réduisant la durée d’hospitalisation.
Malgré ces avantages certains et prouvés, jusqu’à un préavis timide voté par le Grand Conseil en 2018, il n’existait pas de ligne directrice écrite fixée par le Département concernant les médecines complémentaires. Ce cadre devait absolument être fixé : de nombreuses thérapies complémentaires sont déjà effectuées au CHUV, toutefois sans coordination et sans contrôle des formations. De plus, on constate d’importantes disparités dans l’accès au soin, car chaque service décide de son offre en médecine complémentaire. La pratique des médecines complémentaires est donc hétéroclite et non structurée. Et comme ces soins ne sont pas basés sur des prescriptions claires et dirigées par un service responsable transversal, mais sur la décision de chaque chef.fe de service, deux patient.e.s présentant un même symptôme peuvent se voir proposer un service – ou pas – en fonction de l’étage où ils/elles sont soigné.e.s. De même, des risques de rupture de traitement existent, si le/la médecin chef.fe change ou décide que finalement on ne propose plus de services en médecine complémentaire.
Et le Conseil d’Etat n’a répondu que de manière trop insuffisante au problème !
L’existence d’un pool de compétence en médecines complémentaires fort est en effet l’assurance d’avoir un service d’expert.e.s. Ces expert.e.s doivent pouvoir avoir une pratique transversale, à l’image des soins palliatifs, mais aussi des spécialistes en gériatrie, en gestion de la douleur ou en psychiatrie: nous n’imaginerions pas que chaque service ait son/sa responsable dans ces spécialités, ni qu’il s’organise comme il le souhaite pour traiter de ces objets. Ainsi, le centre de médecine intégrative et complémentaire doit pouvoir répondre à ce besoin de transversalité, à l’image des équipes de psychiatrie de liaison, par exemple. Ce n’est pas ce qui est prévu.
À noter, que les services réclament eux-mêmes un développement de l’offre en médecine complémentaire au CHUV. Actuellement, c’est principalement l’oncologie stationnaire qui bénéficie de cette offre, alors que la gynécologie-obstétrique, la neurologie, l’oncologie pédiatrique et la rhumatologie, entre autres, devraient également en bénéficier. Selon une enquête interne, 90% du corps médical et des soignant.e.s souhaitent ce développement des médecines complémentaires au sein du CHUV à la hauteur du besoin de transversalité et d’autorité en la matière. Ce n’est pas ce qui est prévu.
Le plan stratégique du CHUV, actuellement débattu par la commission de santé du Grand Conseil et dans lequel les médecines complémentaires devaient figurer pour la première fois, laisse quant à lui pantois quant à sa vacuité. Nous espérions y trouver un vrai plan de développement des médecines complémentaires pour les prochaines années concernant l’application de l’article constitutionnel plébiscité par les Vaudoises et les Vaudois. Ce n’est pas ce qui est prévu.
De plus, des inquiétudes sont nées suite à la publication de l’offre d’emploi pour la direction du Centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC): nous devons nous assurer que la mission du CEMIC ne se cantonnera pas à délivrer quelques prestations, par exemple le traitement de la douleur, mais aussi à offrir une expertise dans un sens plus large sur l’ensemble des médecines complémentaires. Ce n’est pas ce qui est prévu.
Au contraire, les récents développements du CEMIC, faisant suite au départ du Prof. Dr. Rodondi, laisse entrevoir une fusion du centre avec le centre de la douleur, ce qui est très éloigné du besoin plus généraliste en médecines complémentaires au CHUV. La médecine complémentaire est une spécialité en soi, qui touche à la douleur, mais pas uniquement. La médecine complémentaire est un domaine nouveau, il demande donc un service autonome, sans direction d’un autre service qui ne peut pas intégrer la totalité des médecines complémentaires d’un point de vue stratégique.
Il apparaît de plus que les procédures n’aient pas été correctement respectées et que l’offre de cours ait drastiquement perdu en qualité, tout cela alors que le/la nouveaux/elle responsable du CEMIC n’a pas été nommé. Plus grave encore, le CEMIC ne peut plus assurer la même offre de soin aux patient.e.s, pas plus que sa responsabilité de garde-fou face aux pratiques pseudo-médicales qui peuvent être proposées à des patient.e.s crédules.
En effet, un centre de compétence est également un garde-fou face au risque de charlatans, grâce à une expertise et un vrai contrôle. C’est aussi un garde-fou face à l’automédication, car les patient.e.s ont recours aux médecines complémentaires de toute manière, sans toujours en informer leur médecin, ni que celui-ci ou celle-ci ne leur pose la question. Ainsi 45% des patient.e.s en oncologie ont recours aux médecines complémentaires à côté de leurs soins au CHUV. Ajoutons que les thérapeutes privés ne voient pas un tel développement comme une concurrence, mais au contraire comme une interface bienvenue et une valorisation de leurs cométences, qu’ils/elles appellent de leurs vœux.
Ainsi, avoir un service de médecine complémentaire et intégrative permet de répondre à une vraie demande de la population vaudoise et de rétablir l’équité d’accès au soin.
Nous pouvons faire le parallèle avec les soins palliatifs. Peut-être vous souvenez-vous que sans l’intervention du Grand Conseil, en 2002, les soins palliatifs tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existeraient pas. Nous demandons le même courage politique pour arriver à une offre de même qualité, en créant un service de médecine complémentaire, avec une réelle autorité dans les processus de soin, une autonomie par rapport à d’autres services avec d’autres priorités ou objectifs et des compétences transversales pour offrir la qualité de soin et de conseil à la hauteur des attentes de la population.