Second volet de ma vision de la politique en matière de santé : coûts de la santé.
Notre système de santé coûte extrêmement cher, trop cher pour une partie grandissante de la population. Un quart des gens fait l’impasse sur une visite médicale pour des raisons financières – seuls les États-Unis comptent au monde plus de personnes qui ne peuvent plus se permettre de voir un·e médecin. Nous nous dirigeons vers une explosion de notre modèle et une médecine à deux vitesses. Pourtant, la santé est un bien précieux et la qualité des soins en Suisse n’est pas un signe qu’il faut diminuer les moyens qui y sont alloués. Au contraire, la crise sanitaire majeure que nous traversons à cause du COVID-19 démontre que les appétits néo-libéraux de rendre notre système de santé rentable et compétitif est dangereux, que nous devons au contraire investir plus encore. Pour répondre à cette ambivalence entre la charge des coûts et l’urgence des besoins, deux solutions : aller vers un système centré sur le maintien en santé plutôt que la réparation et accepter de mettre les moyens pour soigner efficacement lorsqu’il y a besoin.
Avec un système de soin mené en collaboration avec les patient·e·s et basé sur une médecine de famille forte, assurant la direction d’un réseau de proximité à maillage serré, nous pouvons d’une part assurer la prise en charge le plus tôt possible d’un problème de santé et d’autre part intensifier la prévention. La rapidité permet d’améliorer et d’accélérer la guérison tout en évitant le développement de pathologies liées : chaque prise en charge médicale est ainsi moins délétère pour la qualité de vie du·de la patient·e et coûte moins cher à la collectivité. Et la prévention évite purement et simplement la maladie ou l’accident, en faisant ainsi la meilleure politique de santé publique possible, et la moins chère. Pourtant, trop peu d’importance y est accordée actuellement. Nous devons donc revoir la compréhension légale des activités de prévention pour que son acceptation soit large, qu’elles soient valorisées et qu’elles soient rémunérées en conséquence. Nous devons aussi évaluer chaque politique publique en fonction de son impact sur la santé: quel est impact de l’élargissement des autoroutes sur la qualité de l’air, donc sur nos poumons? quel impact le nombre de places de parc a-t-il sur l’encouragement à la mobilité active, donc notre forme physique ? quel est impact les pesticides sur notre système immunitaire? quel impact la production d’aliments ultra transformés a-t-elle sur nos organes?
Nous ne sommes cependant pas égaux·ales face à la maladie. Notre bonne ou mauvaise santé ne dépend pas que de notre volonté à la préserver. Elle peut aussi dépendre d’une contagion, de notre génétique, de notre activité professionnelle ou simplement d’un manque de chance. C’est là que doit intervenir la solidarité du financement du système. Or, cette solidarité est de moins en moins palpable lorsque les primes d’assurances maladie augmentent d’année en année et que les franchises hautes mettent les plus précaires face au risque de devoir débourser de gros montant pour une prise en charge médicale. Elle est totalement inexistante lorsqu’on sait qu’un tiers des frais de santé sont pris en charge directement par les assuré·e·s et non par les assurances, que les soins dentaires ne sont pas compris dans l’assurance de base et qu’un 1,6 milliard de francs sont dépensés directement chaque année pour les médicaments non couverts. Au niveau mondial, les Suisses·ses sont celles et ceux qui paient le plus de leur poche pour leur santé en assumant 52 milliards des 80 milliards des coûts annuels de la santé, tout en renonçant à des consultations : nous sommes donc bien loin de l’image du peuple d’irresponsables qui profite sans compter d’un système de santé trop accessible que certains partis nous dépeignent. Et les assurances maladies ont déjà annoncés des hausses supplémentaires à cause de la crise du coronavirus, même si certaines ont décidé de plutôt puiser dans leurs réserves, comme cela doit se faire.
De plus, ce financement n’est pas progressif et s’abat sur tous les ménages de la même manière, alors que tous les ménages n’ont pas la même capacité à assumer ces coûts et à supporter financièrement un éventuel coup dur à leur charge à cause du régime des franchises. Il serait beaucoup plus juste, mais aussi beaucoup plus efficace, que notre système de santé soit réellement solidaire et que son financement soit fixé en fonction des capacités de chaque ménage : un plafond en pourcentage du revenu ou un financement par l’impôt, avec des franchises beaucoup moins hautes.
D’autant plus que, dans le même temps, les bénéfices des assurances maladie (6,6 milliards) ont augmenté bien plus que les prestations remboursées (4,7 milliards). Bureaucratie, salaires des directions indécents, frais de publicités, chasse aux bons risques, intimidation administrative des assuré·e·s, refus de remboursement de prestations médicales pourtant sous ordonnance, rémunération de politicien·ne·s peu scrupuleux·euses, incapacité à répondre à l’explosion des coûts : et si nous essayons autre chose que ces caisses maladie privées qui cherchent à faire du fric avec notre santé sans être capable de résister à une crise sanitaire ? Une assurance de base résiliente, incluant les soins dentaires, unique – voire publique – est définitivement à introduire ! Le Canton a un excellent exemple en la matière, souvent oublié : l’ECA (assurance incendie et éléments naturels) qui est une institution de droit public sous le contrôle de l’État, dont les primes sont significativement moins chères que dans les cantons avec des caisses privées et qui ne représente pas un embrouillamini administratif et bureaucratique pour ses assuré·e·s.