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Pour réformer notre système de santé

La santé fait partie de mes sujets de prédilection, notamment parce que c’est notre bien le plus précieux, mais aussi parce que c’est là que l’on subit le plus l’impact du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Pour une grande partie de la population aussi, la thématique est importante: chacun·e souhaite une bonne santé pour lui/elles-même et ses proches et un grand nombre d’entre nous s’arrache les cheveux devant l’augmentation des primes d’assurance maladie. Au Parlement fédéral, les échos sont toutefois tout autres. La réflexion se concentre sur les seuls coûts de la santé, sans penser à l’importance de la répartition de ces derniers.  Quoiqu’il en soit, les propositions des partis se multiplient : 

Cet automne 2023, deux initiatives (le PS a lancé l’initiative pour l’allègement des primes et Le Centre l‘initiative “pour un frein aux coûts”) s’ajoutent aux discussions menées au sein de la Berne fédérale pour réformer le système en s’attaquant aux prestations de la LAMal. Un constat est partagé entre la droite et la gauche: les traitements ambulatoires sont bien moins coûteux que ceux stationnaires, jusqu’à 55% moins chers. Il faut donc effectuer le plus possible de prestations médicales en ambulatoire. L’intérêt de soutenir le virage ambulatoire est donc double : privilégier les interventions moins intensives et le retour rapide à la maison, tout en favorisant des gestes moins coûteux. Le hic, c’est que l’ambulatoire est à 100% à la charge de l’assuré·e, alors que les interventions stationnaires connaissent elles une participation étatique de 55%. Le débat se passe donc autour de la participation des finances publiques à ce virage ambulatoire et autour des prestations couvertes par ce financement.

Ce projet, nommé “EFAS”, vise à uniformiser le financement des prestations ambulatoires et stationnaires. Malgré les espoirs, il faut tout de suite dire qu’il ne va pas régler les problèmes de l’explosion des primes d’assurance-maladie. Et il ne doit pas signifier la fin des débats connexes à savoir : le manque de professionnel·les de la santé et la revalorisation des métiers des soins de base, ainsi qu’un changement profond en faveur de la prévention et des soins intégrés. Et les débats au Parlement ont montré cette urgence: la question était de trancher si les soins à domicile et les EMS devaient intégrer le projet. En gros la question était: les soins à domicile et les EMS sont-ils des soins ? … La réponse est dans la question! L’intégration est donc logique et c’était d’ailleurs une demande des cantons qui va permettre une juste répartition des coûts entre les cantons et les assurances-maladie. Cela va également permettre à tous les acteur·trice·s du parcours de soins d’un·e patient·e d’être traité·e·s de manière similaire et donc favoriser les soins dits intégrés, c’est-à-dire mis en réseau.

De bon exemples de coordination existent déjà, comme dans le Canton de Vaud où une forte collaboration entre les soins à domicile, les médecins, les hôpitaux et les EMS est prévue dans une loi ad hoc. Je préside d’ailleurs l’Assemblée générale du Réseau Santé Région Lausanne, chargé de cette coordination pour la capitale et sa région. Nonobstant ces efforts, il faut aussi que les financements intègrent toutes les actrices et tous les acteurs. Cela permet une meilleure coordination, bon pour la qualité et la sécurité des soins : tant que chaque acteur·trice est financé·e différemment dans son coin, iel n’y aura aucun incitatif à pousser les prestataires à travailler main dans la main. À terme, une meilleure intégration des soins devrait aussi mener à un système de soins coordonné, avec les soins de base et la prévention au centre.

Déplacer le pouvoir des mains de la biomédecine hyperspécialisée (et très coûteuse) vers celles des soins de base mettant le focus sur la prévention et le maintien en bonne santé de la population est la révolution la plus importante à mener dans notre système de santé. Mais il faut aussi se préoccuper de la manière de financer le système. Alors qu’à l’introduction de la LAMAl, les payeur·euses de primes supportaient 29% des coûts, cette part se monte aujourd’hui à 37%, ce qui fait de la Suisse le 4e pays de l’OCDE où la population participe le plus au financement de son système de santé. Et pour cause : les cantons ont tendance à se désengager peu à peu de leur participation aux coûts de la santé alors que les primes ne font qu’augmenter. La solution ? Les primes en fonction du revenu et un plus fort engagement des pouvoirs publics dans le financement du système de santé, qui est un bien public. Une part du financement est ainsi assuré par la progressivité de l’impôt plutôt que par une prime unitaire, injuste car indépendante du salaire ou du pouvoir d’achat des ménages.

Se concentrer sur les seuls coûts en attaquant les catalogues de prestations ou en augmentant arbitrairement les primes d’assurance à l’automne ne fait que desservir notre système dans son ensemble. Oui, il y a des tricheurs et des profiteurs dans le système, qui se font beaucoup d’argent grâce à nos primes, mais c’est un mensonge de dire que nous pouvons baisser les coûts de la santé. Le vieillissement de la population et l’augmentation de la précision des soins vont rendre cet espoir inatteignable. D’autant plus que nous voulons mieux payer les professionnel·les des soins de base, médecins généralistes et infirmier·ères en tête, et juguler le manque de personnes formées, qui représente la vraie crise à long terme de notre système de santé.

Il faut donc une politique sociale d’accès à la santé en baissant les primes et en les découplant des coûts. Parce que plus les primes sont chères, moins la population peut se permettre de se soigner. La conséquence de ce cercle vicieux est que la médecine préventive et la promotion de la santé où la médecine interne générale est centrale, ne peut plus jouer son rôle. Les personnes consultent alors de plus en plus en urgence ou lorsque seuls des traitements lourds et chers peuvent répondre au problème. Il est donc fondamental de parler de financements plutôt que de coûts, de qualité plutôt que de quantité.
Interessé·e à en savoir plus sur ma vision du système de santé ? J’ai écrit une série de blogs à ce propos (nr.1 ,2 & 3).

Mise à jour

Lors de la session d’hiver 2023, nous avons abordé la question du financement moniste et plus particulièrement le projet de financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires du système de santé (EFAS). Nous avons réglé les dernières questions de détail pour nous accorder avec le Conseil des Etats. Ce débat m’a permis de rappeler que si nous arrivions à finaliser le processus d’adoption de cette réforme, le débat porte principalement entre l’investissement public, financé équitablement entre les capacités financières de toutes et tous au sein de la population, et les dépenses des ménages. Comme souvent, ce sont les ménages, les assuré·e·s, qui sont les perdant·e·s dans ce projet, surtout parce que nous n’avons toujours pas de primes selon le revenu, comme le groupe des Verts le demande depuis longtemps.