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Non aux détentions arbitraires, oui à nos droits fondamentaux

La France a mis en place des mesures préventives avec des buts similaires à ceux de la Loi sur mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT). Avec quel bilan ? Le Défenseur des droits en France a souligné que des mesures préventives avaient été appliquées à des personnes innocentes, ceci à des niveaux dépassant l’acceptable.

Lors du débat aux chambres fédérales, j’ai profité d’interpeller Madame la Conseillère fédérale Keller-Sutter à ce sujet. Quelles garanties se donne l’État pour ne pas imposer par erreur des mesures liberticides et restreignant gravement les droits fondamentaux à des personnes qui ne présentent aucun risque ou qui ne passeraient en fait jamais à l’acte terroriste ? En introduction de ma prise de parole, je me permets de vous citer la réponse de la Conseillère fédérale à ce sujet : « (…) non, je ne peux pas vous le garantir, car là où les gens travaillent, comme nous, ici, ou à la police, des erreurs sont commises. »

Faire des erreurs est en effet toujours un risque. Mais quand il s’agit. comme dans cette loi. de restreindre gravement des droits fondamentaux, sans que des voies de recours ne soient identifiées en amont, c’est inacceptable ! Les mesures policières dont on parle aujourd’hui ne sont pas des contraventions délivrées par erreur qu’on peut rembourser en s’excusant de l’erreur de procédure. Il s’agit des peines délivrées sans jugement, et ce, par un office de police. En clair, cela veut dire que cette loi sur les mesures policières contre le terrorisme confie une compétence judiciaire a un corps de police, celle de statuer sur la dangerosité potentielle d’un·e citoyen·ne, en acceptant les erreurs qui auront lieu. Et en plus cela pourra toucher indifféremment un·e enfant de 12 ans qu’un·e adulte majeur·e. 

Ce n’est pas sérieux ! Ce n’est pas de la lutte contre le terrorisme. Si on estime qu’un·e jeune est potentiellement dangereux·euse et qu’il existe un risque latent d’une défiance envers l’État, comment voulez-vous éviter des actes de terrorisme si ce même État est capable de l’enfermer sans qu’iel n’ait commis quoi que ce soit ? Rappelons qu’il n’y a dans ce paquet de mesures dite “préventives”, aucune mesure de prévention sociale. On ne voit pas non plus une implication de structure prenant en compte la santé mentale et les environnements qui poussent un individu à s’enrôler. On ne voit pas non plus de mesures reconnues comme efficaces pour restreindre la circulation des armes et limiter l’accès aux matériels explosifs. 

Cette loi n’est donc que de l’esbroufe sécuritaire, une manière pour le Conseil fédéral, et certains partis, de faire les gros bras, sans prendre de vraies mesures, moins spectaculaires certainement, mais bien plus efficaces. En proposant une loi qui ouvre ainsi le risque de détention arbitraire, y compris pour des enfants, le Conseil fédéral permet aux terroristes d’atteindre leurs buts de lutter contre nos sociétés d’État de droit. Avec cette loi, nous trahissons qui nous sommes en ne faisant que céder à la peur.

La volonté de réagir à la peur de la population, je la comprends. La volonté d’agir vite, je la partage ! La question qui est posée aux Suisses et aux Suissesses en juin ce n’est pas pour ou contre le terrorisme. Mais plutôt « combien de liberté accepte-t-on de concéder pour une potentielle sécurité ? ».

Et en répondant à cette question, il faut mobiliser une prudence à toute épreuve.

La notion de prudence est centrale lorsqu’on discute de la restriction de nos libertés. L’atteinte à nos droits fondamentaux doit se faire de manière ciblée et certaine. Jusqu’à maintenant ce travail minutieux est fait par les tribunaux. Il nécessite des instructions, des preuves, qui permettent de s’assurer que la violation des droits essentiels des prévenu·e·s est une nécessité absolue et d’intervenir. Ces procédures ne doivent évidemment pas durer des mois. Le Code de procédure pénale qui remet les pouvoirs judiciaires uniquement dans les mains du ministère public de la Confédération le permet justement.

Les effets de ce manque de prudence, nous les connaissons en Suisse. On peut parler du scandale des fiches, où la Confédération a permis aux autorités fédérales et aux polices cantonales de soupçonner et surveiller jusqu’à 15% de la population. Sans amener aucune sécurité supplémentaire mais pour répondre aveuglément à la peur de l’État soviétique. Cette déviance sécuritaire a eu comme conséquence le fichage de 900’000 personnes, en perdant la confiance et l’unité qui fait la force d’un pays quand celui-ci est en danger. Avec les mesures policières contre le terrorisme, on propose bien pire, puisqu’il s’agit de restreindre les droits fondamentaux. Et si aujourd’hui c’est l’État islamique qui est agité pour faire peur, il faut savoir que les Services de renseignement de notre pays surveillent des entités comme la grève des femmes et la grève du climat, et que l’UDC parle d’écoterrorisme. Le risque d’arbitraire et la menace pour les militants d’une société plus juste, plus ouverte, plus égalitaire, plus écologique, en somme différente de l’ordre établi, n’est vraiment pas loin.

Cette prudence qui doit primer va de pair avec un État de droit fort. Un État qui respecte donc:

  1.     Le droit supérieur, par exemple la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, abjurée par la Suisse avec les MPT
  2.     L’égalité devant la loi, qui elle est aussi violée puisqu’un·e enfant a le droit à une justice qui corresponde à sa capacité de compréhension, sa sociologie et à des structures adaptées ce que les MPT nient en traitant les enfants comme les adultes.
  3.     La séparation des pouvoirs, soit un État où un organe de police ne juge pas, mais applique les décisions de justice. À nouveau, les MPT contreviennent à ce principe de base de notre démocratie.

Violer le droit des mineur·e·s, l’État de droit et le droit international ne nous protège pas de la folie et du fanatisme terroriste. Cette loi extrême ne permet pas d’espérer une application proportionnée et raisonnable des mesures arbitraires qu’elle propose. C’est pourquoi les vertes et les verts s’engagent pour l’État de droit et contre les nouvelles mesures policières.