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Proches-aidant·e·s : le travail du care d’un demi-millions de personnes en Suisse ne dispose d’aucun statut

Entre 592’000 et 634’000 personnes en Suisse consacrent régulièrement leur temps pour aider un proche atteint dans sa santé ou en perte d’autonomie. Les proche-aidant·e·s  accompagnent, administrent des soins ou encore suivent l’état de santé d’une personne en collaboration ou en substitution du personnel de santé. Ce sont des épouses qui prennent soin d’un mari invalide, des parents qui s’occupent de leur enfant adulte handicapé, des frères, des sœurs, des petits-enfants qui assurent une partie des soins à domicile de membres de leur famille,  L’importance de ce travail du care démontre une nouvelle fois la fragilité et la vulnérabilité de notre système sanitaire et appelle à une action politique urgente pour assurer une vie digne aux personnes qui consacrent une partie parfois très importante de leur vie à prendre soin de leurs proches. 

Actuellement, être proche-aidant·e·s ne donne lieu à aucune reconnaissance juridique. Les prestations mises à disposition par la Confédération concernent majoritairement les proches malades ou impotents. Ainsi, le soutien financier à celles et ceux qui viennent en aide dépend du bon vouloir des bénéficiaires de ce soutien.

Un des rares mécanismes en place en faveur des proche-aidant·e·s est la bonification des tâches d’assistance auprès de l’AVS, dans le but d’améliorer leur rente au moment de leur retraite. Mais cette mesure sociale, même si elle est très importante, est limitée, puisqu’elle représente 20 à 30 francs de rentes mensuelles supplémentaires pour l’équivalent de deux ans d’aide à plein temps.

Les cantons romands développent en revanche des soutiens importants en matière de soutien et d’accompagnement des proches, notamment avec leur politique de soutien lors d’une perte de revenus. Le Canton de Vaud prévoit même un renforcement du dispositif en place. Toutefois, les disparités cantonales existent: vous avez meilleur temps d’être proche-aidante à Lausanne qu’à Aarau… Ces inégalités de traitement ne se justifient plus tant le système de soins compte de façon uniforme, partout en Suisse, sur les proche-aidant·e·s. 

Face à cette situation largement  insatisfaisante, une nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches est entrée en vigueur en 2021, en deux étapes. Cette loi introduit des changements fondamentaux, comme l’introduction de l’absence professionnelle de courte durée, l’adaptation du droit à l’allocation pour impotent, la bonification des rentes AVS pour les tâches d’assistance et la création d’un congé longue durée de 18 mois pour les parents d’enfants malades. 

Ce train de mesures était nécessaire et a été un soulagement pour de nombreuses familles. La situation reste en revanche critique puisque cette loi concentre son action sur les enfants malades, ainsi que les situations où les proche-aidant·e·s ont encore une activité professionnelle. Il y a pourtant des proche-aidant·e·s qui prennent soin d’adultes ou qui sont contraints à mettre leur activité rémunératrice de côté pour effectuer ce travail d’accompagnement et de soins. Et pour celles et ceux qui cumulent les deux charges, la situation est également à améliorer, c’est ce que démontre le dernier baromètre de Travail.Suisse: seul ⅓ des proches aidant·e·s recevraient le soutien de leurs employeur·euse·s. 

Au début de la crise du COVID, les proches-aidant·e·s ont été fortement impacté·e·s, en partie parce que nombre d’institutions ont fermé et qu’iels ont été très sollicité. Ma proposition pour intégrer cette question dans le dispositif de réponse à la crise a cependant été refusée. Le climat politique est donc encore trop timide en Suisse. En comparaison internationale pourtant, les exemples ne manquent pas :

  • En Allemagne, il est possible d’obtenir des congés payés tout comme il existe une offre de conseils et des prestations de décharges.
  • En Belgique existe un véritable statut dédié aux proche-aidant·e·s, donnant accès à un congé payé spécifique, payé par l’assurance maladie et dont l’accès a été facilité. 

Les prochaines étapes à franchir en Suisse sont très claires : l’instauration d’un statut pour les proche-aidant·e·s, prenant en compte l’arrêt d’une activité rémunérée et leur future réinsertion, comprenant des mesures financières de soutiens à ce qui est un des maillons les plus essentiels de notre système de santé, accorder une participation à la cotisation AVS et LPP tout comme des garanties en faveur de la santé des proches aidant·e·s elleux-mêmes notamment en assurant des temps de repos ou en facilitant l’accès aux soins à domicile par du personnel diplômé et rémunéré.

Je profite de cette note de blog pour remercier les proche-aidant·e·s, ces héroïnes et héros du quotidien et pour envoyer une pensée aimante à ma grand-maman, passée de proche-aidante à proche-aidée.

Une bonne nouvelle sur le sujet : le 17 mars, le Conseil des Etats a accepté de renvoyer à la commission compétente, la motion de Marianne Maret qui demande que le statut de proches-aidant·e·s soit défini au niveau national.