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Rattraper notre retard en matière de psychiatrie sociale

C’est désormais une rengaine bien connue. Les coûts de la santé augmentent, les primes d’assurance-maladie aussi, tandis que les hôpitaux sont saturés.  Certaines pratiques professionnelles, pour certaines encore trop peu connues, permettent pourtant d’éviter certaines hospitalisations. Dans l’intérêt du patient et dans l’intérêt de la réduction des coûts. La médecine de famille est une de ces spécialités médicales à renforcer, de sorte à garder en bonne santé la population. La psychiatrie sociale quant à elle, est bien moins souvent thématisée. 

La Confédération et les cantons font évoluer leur politique publique en faveur d’un virage ambulatoire, renforçant la prévention, la promotion de la santé tout comme la médecine de première ligne dans un contexte de vieillissement de la population. Force est de constater que cette stratégie à long terme (dont on attend encore des engagements politiques renforcés notamment concernant la viabilité financière des consultations infirmières en pratique avancée, la médecine interne générale comme celle des prestations de promotion de la santé et de prévention) s’applique principalement à la somatique. Soit aux maux que ressent le corps. 

Le rapport 15/2020 de l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN) sur la santé psychique en Suisse montre une augmentation constante du taux d’hospitalisation standardisé pour maladies mentales. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la « santé psychique est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de l’existence, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. » Fort de ce constat, il est recommandé d’accompagner le rétablissement des patients psychiatriques dans la communauté par des soins « intermédiaires » tels que les équipes de psychiatrie mobile. Autrement, le virage communautaire risque d’aboutir à un abandon des plus démunis ou leur transfert vers des lieux inappropriés tels que la prison. 

Cet accompagnement du rétablissement dans la communauté est, précisément, l’objet de la psychiatrie sociale, regroupant des professionnels et professionnelles de plusieurs disciplines (psychiatres et psychothérapeutes, infirmier-e-s, ergothérapeutes, assistants sociaux, etc.).

La psychiatrie sociale met l’accent sur les interactions entre les problèmes de santé mentale et la société en s’appuyant sur les ressources dans l’environnement des personnes suivies Elle travaille en étroite collaboration avec des personnes concernées, patients experts qui contribuent à l’amélioration des services dans une perspective centrée sur la personne. La Suisse a été pionnière des pratiques de psychiatrie sociale dans le passé, mais prend malheureusement aujourd’hui du retard. Le système académique a tendance à délaisser la psychiatrie sociale et le financement actuel privilégie soit les consultations ambulatoires individuelles, soit l’hospitalisation, mais très inadéquatement les pratiques intermédiaires.

La psychiatrie sociale est à l’aune de renforcements et de nouvelles connaissances sur le plan international tandis qu’en Suisse on constate la disparition des chaires de psychiatrie sociale dans plusieurs hôpitaux universitaires suisses malgré une histoire riche dans ce domaine. Ces interventions spécifiques de psychiatrie sociale concernent la collaboration avec les patients experts (pairs praticiens en santé mentale), la prévention ciblée (p.ex. les interventions précoces pour les psychoses), l’engagement dans les soins des patients réfractaires ou difficilement accessibles (p. ex. suivi intensif à domicile par des équipes mobiles de psychiatrie), les alternatives à l’hospitalisation (p. ex. hospitalisation à domicile avec des équipes mobiles de résolution de crise), le soutien à l’intégration sociale et professionnelle (p. ex. soutien au logement de type « housing first » ; soutien individuel à l’emploi de type « individual placement and support ») ou les interventions en périodes critiques (p. ex. suivi de transition à la sortie de l’hôpital ou de prison). 

Ces pratiques évitent l’abandon des plus démunis et assurent l’efficience et la sécurité des suivis. Permettant le rétablissement et l’inclusion sociale pour des situations de santé mentale complexes, il apparaît fondamental de donner à ce secteur les outils nécessaires dans le développement et la pratique de cette approche. Fort de ce constat et de celui du Conseil fédéral, qui estime que la psychiatrie ambulatoire est le parent pauvre des planifications en matière de santé psychiques, j’ai décidé d’adresser une série de questions à propos de la psychiatrie sociale et des moyens prévus pour garantir son avenir.

Images issues de la campagne de SantéPsy