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Stop au démantèlement de nos retraites

Depuis plusieurs années, on nous peint le diable sur la muraille annonçant que l’AVS va à sa perte. Annonces toujours démenties. Une nouvelle votation en septembre démontre que l’évolution de notre système d’assurance sociale n’est vue que par le démantèlement de sa solidarité par la majorité de droite du Parlement.

Vous connaissez déjà tout de notre système de retraite? Lisez la suite ci-dessous.

Le système des trois piliers

Conséquence de l’industrialisation et de l’affaiblissement des solidarités familiales, le nombre des personnes âgées frappées de pauvreté s’accrut au 19ème siècle. Face à cette nouvelle réalité sociétale de nombreuses tentatives sont mises en œuvre pour permettre la création d’une institution de retraite étatique. Si l’Assurance vieillesse et survivants (AVS) existe depuis 1948, ce n’est qu’en 1972 que le système des trois piliers que nous connaissons est ancré dans notre Constitution. Ce système se compose de l’AVS/AI (1er pilier), de la prévoyance professionnelle obligatoire (2ème pilier) et de la prévoyance privée facultative (3ème pilier). La loi (LPP), indispensable à la mise en œuvre de cet article constitutionnel, entra en vigueur en 1985.

1er pilier

L’AVS sert des rentes aux femmes et aux hommes ayant atteint un âge fixé par la loi ainsi qu’aux veuf·ve·s et aux orphelin·e·s. Selon l’art. 112 de la Constitution, cette assurance est obligatoire. Elle accorde des prestations en espèces et en nature. Les rentes doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée et sont adaptées au moins à l’évolution des prix. La rente maximale ne doit pas dépasser le double de la rente minimale.

Au fil des ans, des améliorations sont apportées à l’AVS pour permettre la prise en compte des rentes des femmes en introduisant le splitting et les bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance (introduites avec l’augmentation de leur âge de retraite à 64 ans).

Le financement de l’AVS est assuré en majeure partie par les cotisations perçues sur les salaires des employé·e·s ou les revenus des indépendant·e·s, ainsi que sur les primes versées par les personnes sans activité lucrative (étudiant·e·s, pré-retraité·e·s et, depuis la 10e révision, les veuves et les épouses dont le mari n’a pas d’activité lucrative). S’y ajoutent des subventions fédérales (alimentées principalement par les taxes sur le tabac et les boissons distillées) et cantonales, lesquelles fournissaient 25% des recettes en 1950, mais seulement 18% en 1990, et enfin les revenus financiers des caisses de compensation.

Vu leur espérance de vie plus longue et leur entrée en retraite plus précoce, les femmes, qui représentaient à l’origine la moitié des rentiers de l’AVS, en forment actuellement les deux tiers.

2ème pilier

Après des années de tergiversations, la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) obligatoire entra en vigueur en 1985. Combinée avec l’AVS et l’assurance invalidité (AI), introduite en 1960, la prévoyance professionnelle doit garantir le maintien approprié du niveau de vie habituel en cas de vieillesse, d’invalidité ou de décès. À la différence de l’AVS ou de l’AI, elle ne repose pas sur la répartition, mais sur la capitalisation, sans mécanisme légal de solidarité.

La prévoyance professionnelle obligatoire n’a pas entièrement résolu le problème de la pauvreté due à l’âge. Ceux qui ont des emplois précaires, à temps partiel ou temporaires échappent aux mailles du filet. Les caisses de pensions, conçues pour les hommes qui font une carrière traditionnelle, défavorisent en particulier les femmes et restent attachées au modèle de l’emploi à vie et à haut taux d’occupation constant, qui tend pourtant à disparaître.

Au fil des années, le taux d’intérêt minimal LPP a connu des variations. Stable de 1985 à 2002 à 4 % , il est descendu sous la barre de 3 % en 2004, et sous la barre de 2 % en 2012. Aujourd’hui, il est de 1%.

3ème pilier 

La prévoyance privée, ou troisième pilier, a été inscrite dans la Constitution fédérale en 1972. Elle sert à combler des lacunes de prévoyance et permet la constitution d’un patrimoine privé. On fait une distinction entre la prévoyance liée (pilier 3a) et la prévoyance libre (pilier 3b). Dans le pilier 3a, un plafond d’épargne annuel et quelques autres restrictions doivent être respectés. Cependant, les montants versés dans la prévoyance liée peuvent être déduits du revenu imposable. Le pilier 3b connaît moins de restrictions, mais il n’offre pas d’avantages fiscaux directs.

Et c’est quoi le problème ?

L’AVS ne remplit pas ses obligations constitutionnelles

Alors que l’AVS devrait garantir une rente leur permettant de vivre dans la dignité, la réalité est tout autre. Une personne sur dix et en particulier une femme sur six vivent dans la pauvreté à la retraite. Iels ne survivent que grâce aux prestations complémentaires, leurs rentes n’atteignant pas le minimum vital.

Les femmes restent discriminées[1]

On le sait, les femmes sont victimes de nombreuses discriminations tout au long de leur vie :

  En 2018, dans 62% de l’ensemble des ménages de couples (entre 15 et 80 ans), la femme accomplit principalement ces tâches ; dans 6% des couples c’est l’homme et dans 31% les 2 partenaires se partagent ces tâches.

  En 2018 dans l’ensemble de l’économie, les femmes gagnent en moyenne 19% de moins que les hommes. La partie inexpliquée de cette différence de salaire – c’est-à-dire que l’on ne peut pas mettre en relation avec des différences telles que l’âge, la formation, l’ancienneté, la fonction hiérarchique – se monte à 45%, ce qui représente 686 francs bruts par mois en moyenne.

  Les femmes occupent en général des positions moins élevées que les hommes. En 2020 elles sont plus nombreuses à travailler comme salariées sans fonction de chef, alors que les hommes sont bien plus souvent indépendants ou salariés membres de la direction ou exerçant une fonction de chef.

  En 2020, 20% des femmes âgées de 15 à 64 ans n’ont pas d’activité professionnelle, contre 12% des hommes. Et parmi celles-ci 31% sont femmes au foyer, contre 3% des hommes.

  Parmi les couples avec enfants, le modèle le plus répandu en 2020 est celui où le père exerce une activité professionnelle à plein temps et la mère à temps partiel, suivi de celui où le père a un plein temps et la mère n’a pas d’activité professionnelle.

  Pour les femmes entre 55 et 64 ans en Suisse, la différence de revenu par rapport aux hommes est parmi les plus élevées en Europe. Pour chaque heure travaillée, ces femmes gagnent 25% de moins que les hommes de la même tranche d’âge. Cette différence a même augmenté.

  En 2020, les passages à une recherche d’emploi de longue durée des personnes de 55 ans et plus étaient deux fois plus fréquents que ceux de la tranche d’âge 30-34 ans.

Du fait du partage inégal du travail domestique et familial et des types d’emploi occupés par les femmes (domaine du care, à temps partiel, carrière en dent de scie, etc), la rente de vieillesse moyenne des femmes est inférieure de 37% à celle des hommes. Cette différence provient surtout du 2ème pilier. En 2019 un quart des retraitées ne touche que l’AVS et un tiers n’a pas de 2ème pilier.

Face à cette situation, le projet AVS 21 ne change rien. Au lieu d’offrir de meilleures rentes aux femmes, il les oblige à travailler un an de plus avec des compensations misérables afin surtout de faire des économies sur leur dos. Tous les détails ci-dessous

[1] Chiffres et exemples tirés de l’argumentaire technique « AVS21 », Collectif de la Grève des femmes*.

La réforme LPP21

En 2020, le Conseil fédéral annonce vouloir assurer le financement de la prévoyance professionnelle en adaptant le taux de conversion minimal (actuellement 6.8%), tout en maintenant le niveau des prestations et en couvrant mieux les faibles revenus et les temps partiels. Les femmes étant particulièrement représentées dans ces deux catégories, la réforme pouvait donner lieu à une amélioration de leurs situations économiques.

Mais le projet actuellement en discussion au Chambres fédérales introduit, en réalité, une baisse des rentes pour tout le monde, qui ne sera que peu compensée et transitoirement. Le principe de solidarité, prévu pour améliorer les rentes basses, soutenu par les partenaires sociaux est balayé. Contrairement aux promesses faites, aucun réel effort ne sont entrepris pour rétablir l’égalité dans la LPP.

La promotion  de la prévoyance privée

En parallèle à ces réformes, la majorité de droite a entrepris de soutenir massivement le troisième pilier en augmentant les déductions fiscales possibles à hauteur de 15’000 francs. Cela représente, grosso modo, 500 millions de pertes fiscales alors que, aujourd’hui déjà, seules 10% des personnes qui cotisent au troisième pilier arrivent au maximum autorisé actuellement.

Les cadeaux fiscaux, cerise sur le gâteau

A cela s’ajoutent d’autres projets de cadeaux fiscaux tels que la suppression du droit de timbre (qui heureusement a été rejetée en février dernier) ou encore celui de l’impôt anticipé (sur lequel nous votons le 25 septembre).

Conclusion

Aujourd’hui, on veut nous faire croire que l’AVS est au bord de la faillite et que le système est grippé. Mais ce n’est pas le cas ! Les finances de l’AVS sont solides et fiables, elle n’est pas endettée et présente des chiffres noirs depuis de nombreuses années. Si la crise des baby-boomers est un vrai écueil, nous pouvons trouver des solutions ponctuelles pour y faire face. Elles existent, comme un financement par les réserves de  la BNS, plutôt que d’obliger les femmes à porter sur leurs épaules cette révision injuste.

La réalité de nos retraites est donc bien sombre. Mais pas parce qu’elles ont un problème structurel. Plutôt parce que l’objectif de la droite parlementaire fédérale est de saper la confiance de la population dans un système d’assurance solidaire (AVS) et en coresponsabilité entre les partenaires sociaux (LPP) pour favoriser le passage à la prévoyance privée. Toute idée de solidarité dans le deuxième pilier est combattue avec acharnement. Et je pense que si ce Parlement devait aujourd’hui créer l’AVS, l’AVS n’existerait tout simplement pas. Le projet de ce Parlement pour nos retraites, c’est prendre aux pauvres pour donner aux riches. 

L’AVS 21, en plus d’être injuste pour les femmes, est le premier pas dans cette direction. Le 25 septembre, la population doit donner le signal clair qu’aucune étape de ce projet ne sera acceptée.  

On vote sur quoi le 25 septembre

Le 25 septembre nous voterons sur deux objets touchant directement et indirectement à nos retraites et en particulier à celles des femmes.

AVS 21

La modification de la loi sur l’assurance vieillesse (AVS21) a comme but d’assurer l’équilibre financier de l’AVS lors du passage des babyboomers à la retraite (en 2030) et de maintenir le niveau des prestations dans l’AVS.

Les mesures principalement proposées sont :

  La mise en œuvre de mesures compensatoires pour les femmes (qui coûteraient 3.3 milliards de francs)

Ces mesures compensatoires sont destinées à une génération transitoire de 9 ans (nées entre 1960 et 1968) et c’est tout ! Les autres femmes ne reçoivent rien. Si la rente n’est pas anticipée un supplément est prévu. Il va de 160 francs pour les femmes touchant moins de 57’360 francs à 50 francs pour celles touchant au maximum 71’701 francs. En 2022, la prime moyenne mensuelle d’assurance maladie s’élève à 315,30 francs par adulte. Autrement dit, la compensation ne compense pas grand-chose !

  Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans (qui devrait représenter une hausse de 10 milliards de francs)

Les chiffres de l’OFS sont clairs : en 2018, les écarts salariaux entre hommes et femmes sont de 19% et 45,4% de cette différence reste inexpliquée. Ces chiffres augmentent ! Par mois, cela représente 684 fr. de moins perçus par les femmes dans le secteur privé et 602 fr. dans le secteur public. Et c’est autant de cotisations en moins pour leur retraite future ! Et ces inégalités qui touchent les femmes dans notre société entraînent, en réalité, des pertes colossales pour l’AVS. On parle de prêt de 800 millions annuels qui ne sont pas versés à l’AVS.

L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes n’est, de plus, que le premier pas vers l’augmentation pour tout le monde. C’est d’ailleurs ce que propose déjà un projet des jeunes PLR. Accepter le principe que l’augmentation de l’espérance de vie doit entraîner une augmentation de l’âge de la retraite est une injustice crasse. Car on sait que si notre espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé n’est que de 68 ans en Suisse.

D’autres mesures telles que l’augmentation de la flexibilisation pour les hommes et les femmes (un luxe néanmoins inaccessible pour la plupart des gens) ou une incitation à poursuivre l’activité lucrative après 65 ans sont concernées par ce projet.

Financement additionnel TVA

A travers l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 0.4 point (taux normal), le Conseil fédéral cherche à garantir le financement de l’AVS. Ce projet est subséquent à celui d’AVS21 et ne rentrera en vigueur que s’il est accepté en votations de même que le projet AVS21.

La TVA est un impôt socialement injuste. Elle s’applique uniquement à la consommation (et non à l’épargne) et frappe ainsi proportionnellement plus fortement les bas revenus : un ménage riche et un ménage pauvre paient la même TVA sur un bien de première nécessité comme le pain, par exemple. Mais cela représente un pourcentage très différent de leur revenu, beaucoup plus élevé pour le ménage pauvre.