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Mesures d’économie dans la LAMal? Oui, mais pas n’importe comment!

Chaque année, à l’automne, deux choses semblent inéluctables : les feuilles des arbres tombent et, au contraire, les primes d’assurances maladie grimpent. Cet état de fait dont nous avons presque pris l’habitude a de lourdes conséquences sur notre budget. 14%, mais parfois même 24% des revenus des ménages sont consacrés à payer les primes maladie. Les subsides cantonaux sont censés venir à la rescousse mais sont complètement insuffisants. Bref, le coût des primes étrangle une partie très importante de la population.

Quel est le projet?

Pour lutter contre cet état de fait, le Conseil fédéral propose deux volets de modifications légales afin de freiner la hausse des coûts des prestations prises en charges par l’assurance obligatoire des soins et ainsi limiter le coût de nos primes. Le premier volet de ce projet sera traité pendant la sessions parlementaire d’été 2020. Il comporte toute une série de mesures: la possibilité de mener des projets pilotes, le contrôle des factures par les patient·e·s, des amendes en cas de manquements de la part des fournisseur·euse·s de prestation (médecin de famille, pharmacien·ne, psychiatre, physiothérapeuthe, etc.), une organisation tarifaire dans le domaine ambulatoire, la transmission des données utiles à la fixation des tarifs des prestations, des mesures de gestion des coûts, un prix de référence pour les médicaments et un droit de recours pour les assurances maladies contre la planification hospitalière des gouvernements cantonaux.

Qu’est-ce qu’on en pense?

Pour les Vert·e·s, ce projet de loi contre la hausse des coûts va dans la bonne direction car il s’attaque à un problème urgent : la lourdeur des primes, qui étouffent de plus en plus de ménages. Mais ce projet ne va pas suffisamment loin car il ne remet pas en question les principes de notre système de santé, qui présente actuellement plusieurs graves déficits : un système de financement qui incite à la surprescription de prestations et médicaments, un soutien complètement insuffisant à la prévention, à la promotion de la santé et à la coordination des soins, un manque flagrant de solidarité entre riches et pauvres, alors que les ménages économiquement modestes sont oubliés et plient sous le poids des primes. À cause de la timidité du Conseil fédéral, nous pouvons déjà assurer que nous ne sommes pas prêt·e·s de voir nos primes baisser dans les faits.

Comment l’améliorer?

Pour effectuer ce changement de paradigme, il est indispensable d’ouvrir les possibles. La proposition d’un nouvel article permettant les essais pilotes pour imaginer des solutions alternatives de financement pourrait jouer ce rôle. Mais c’est la déception : l’impression que donne sa rédaction est que le Conseil fédéral répond surtout aux demandes de longue date des groupes d’assurance maladie, avec par exemple la réduction du choix du·de la médecin, pourtant rejetée encore et encore par la population.

Face à ce constat, la délégation verte au sein de la commission a proposé plusieurs amendements pour élargir le cadre de ces projets pilotes : ajout de la prévention et de la promotion de la santé, possibilité de créer des caisses-maladies cantonales uniques, recherche d’un deuxième avis médical, financement des prestations sur la base de modèles indépendants des structures tarifaires en vigueur. Nous avons aussi essayé de biffer les propositions problématiques comme la limitation du choix du·de la médecin, sans succès. J’ai également demandé de garantir la qualité des soins et l’égalité de traitement entre les patient·e·s et ouvert la discussion au sujet du soutien aux patient·e·s dans leur rôle d’acteur·trice·s du système de santé.

Prévention et promotion de la santé

Ces activités de la part des fournisseur·euse·s de prestation ne sont actuellement pas soutenues par les remboursements LAMal. Pourtant, il est clair depuis longtemps que l’adage « prévenir plutôt que guérir » est la meilleure pratique sanitaire, non seulement pour le bien-être de la population (qui se maintient en santé), mais aussi en matière de réduction des coûts (puisqu’il y a moins de traitement à effectuer). Cet ajout est complémentaire aux soutiens à la prévention déjà prévus par la LAMal (art. 19), puisqu’il s’agirait de mettre en place des projets pilotes de financement de la prévention et de la promotion de la santé, en étroit lien avec la coordination et l’intégration des soins, justement en dehors de cet article 19 qui permet les actions de Promotion Santé Suisse. Cela devrait permettre à la fois de mener des projets novateurs comme le propose Promotion Santé Suisse, mais aussi d’intensifier les outils de prévention et de promotion de la santé à la disposition des fournisseur·euse·s de prestation et ainsi de réduire les coûts en réduisant les besoins en soins (voir à ce sujet ma note de blog). Cette proposition a été refusée par la majorité de la commission.

Financement des prestations

Notre système actuel de santé a fait le choix de listes détaillées des services médicaux facturables afin de favoriser uniquement des prestations efficaces et économiques : la tarification TARMED (qui représente le prix de chaque geste d’un·e médecin) et les prix forfaitaires SwissDRG (soit la prise en charge globale par un hôpital). Néanmoins, ces structures tarifaires posent en retour des problèmes non négligeables : mauvaise incitation à la surprescription ; encouragement des carrières médicales de spécialiste (plus rémunératrices) plutôt que de généraliste, et donc pénurie de médecins de famille ; absence de financement des prestations de prévention et de promotion de la santé ; mauvaise coordination et intégration des soins ; etc. Dans d’autres pays, le système de santé publique fonctionne en partie par capitation, c’est à dire que les fournisseur·euse·s de prestations reçoivent un montant “par tête” de patient·e potentiel·le dans un bassin de population géographiquement donné et financent avec cela les soins, mais aussi tout le reste, dont la prévention et la coordination des soins. Pour les Vert·e·s, il est indispensable d’élaborer un concept de financement plus global qui permette de mener une vraie politique de santé publique plutôt que de ne travailler que dans une perspective de réparation des corps (et sous certaines conditions des esprits). Cette proposition a été refusée par la majorité de la commission.

La qualité et l’égalité comme principe régisseurs

Les projets pilotes vont aller dans différentes directions et donneront différents résultats intéressants, dont assurément un certain nombre seront positifs pour l’économicité des coûts de la santé. Cependant, un cadre doit être posé une fois les expérimentations terminées et le moment venu d’appliquer, ou non, le nouveau modèle. Ce cadre doit assurer d’une part que l’économicité ne s’est pas faite au dépend de la qualité des soins, et d’autre part que tous·tes les assuré·e·s auront accès à ce nouveau modèle afin de réduire la facture de leurs primes maladie. Cette proposition a été refusée par la majorité de la commission.

Rôle des patient·e·s

Dans le cadre de l’examen de ce projet, j’ai permis à la commission d’ouvrir une discussion plus globale sur le rôle et la place des patient·e·s en proposant une motion de commission chargeant le CF d’élaborer une loi sur l’information aux patient·e·s leur garantissant un accès centralisé à des informations sur leurs droits et sur les offres de conseil à leur disposition. Cette loi permettrait de soutenir les activités des organisations de patient·e·s par des aides financières. En effet, selon le Rapport « Droits des patients et participation des patients en Suisse », les patient·e·s suisses devraient être mieux informé·e·s de leurs droits et les possibilités qu’ils·elles ont de se faire conseiller. Selon ce rapport, la diffusion de l’information sur le territoire national par les organisations de patient·e·s existantes et de manière coordonnée au niveau fédéral pourrait être la solution. Pour cette mise en place, le rapport propose lui-même l’élaboration d’une loi sur l’information aux patient·e·s.

Cette loi et ces aides financières permettraient ainsi la création et la gestion d’un service pour les patient·e·s, qui deviendraient dès lors des acteur·trice·s du système sanitaire (ce d’autant plus qu’ils·elles y contribuent fortement au vu de leurs moyens) et participeraient à son optimisation. Elles permettraient également de soutenir les organisations de patient·e·s dans leurs efforts pour accompagner les assuré·e·s qui souhaitent lire, comprendre et, au besoin, contester les factures qui leurs sont adressées. Ces associations sont précieuses pour leurs activités de médiation entre les prestataires et les patient·e·s ainsi que d’information générale des patient·e·s, notamment dans ce qui peut être attendu des un·e·s et des autres. Ces associations orientent aussi les patient·e·s parmi les prestations.

Devant la réticence de mes collègues de droite, j’ai retiré la motion pour ne pas envoyer un message négatif à l’administration par un non de la commission. Le sujet reste néanmoins dans le radar, puisque les membres de la commission ont convenu au cours de la discussion que le pouvoir des patient·e·s doit être renforcé. Acteur·trice·s les plus nombreux·euses et les plus concerné·e·s par ces débats sur notre système de santé, il serait en effet temps que les patient·e·s puissent y jouer un rôle de partenaires et que nous fassions bientôt une loi pour elles et eux plutôt que pour les assurances maladies!