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Pas de retour à la norme mâle!

Texte co-écrit avec Géraldine Bouchez, présidente de la section des Vert·e·s du Jura Nord-Vaudois et co-présidente du GT égalité des Vert·e·s vaudois·es 

Il y a un an, les femmes* ont mobilisé tout le pays pour hurler leur indignation face aux discriminations qui les touchent. Plus de 500’000 personnes sont descendues dans la rue pour réclamer avec elles l’égalité, la plus grande manifestation que la Suisse ait vécue depuis un siècle. 

Le 14 juin 2020, nous devons nous mobiliser à nouveau! Car si la Suisse a pu sortir en tête du classement des pays les plus sûrs face à la crise sanitaire, c’est grâce en grande partie à l’effort des femmes*. Ce sont elles qui se sont levées, la peur au ventre, pour aller travailler dans les hôpitaux, les EMS, les magasins. Ce sont elles que l’on a applaudit au balcon chaque soir durant des semaines. Ce sont pourtant ces mêmes femmes* qui continuent à voir leur carrière, leur compétence et leur salaire péjorés par les mécanismes sexistes de notre société. Une société patriarcale qui claque la porte au nez de toutes ces femmes*, des infirmières aux femmes de ménage, des caissières aux professionnelles de la petite enfance. Un an après la grève du 14 juin, le constat est pauvre: nous n’avons gagné que des clopinettes par rapport aux injustices et discriminations qui perdurent.

Pour ne pas être les dindes de la farce, nous revendiquons haut et fort une sortie féministe de la crise du COVID-19. Pour y parvenir il est tout d’abord nécessaire de soutenir les structures de soins et d’accueil des enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Ces secteurs, traditionnellement réservés aux femmes*, sous prétexte qu’il serait dans leur nature de prendre soin des autres, souffrent dès lors aussi traditionnellement d’un déficit de reconnaissance, d’un manque de moyens, de conditions de travail indécentes et de salaire trop bas. Pour ces femmes*, la charge de travail se fait plus lourde et les salaire plus bas. Ces services de soins à la personne ont cependant montré leur rôle essentiel dans la crise: il est indispensable de revaloriser les salaires des personnes concernées et de leur donner les moyens de faire convenablement leur travail. De plus, notre société devra, dans les prochaines années, faire face à de nombreuses autres crises en terme de santé (réchauffement climatique, vieillissement de la population, épidémies, pandémies, etc): les revendications du milieu infirmier doivent absolument être entendues.

Il est donc temps de mettre fin à l’exploitation des femmes*. Dans le secteur privé, la différence salariale inexpliquée entre les femmes* et les hommes est de 19.6%. Elle baisse à 16.7% dans le secteur public mais reste présente. Face à cette réalité, une hausse de l’âge de la retraite des femmes* comme le demande la réforme AVS21 défendue par le Conseil fédéral (du même acabit que PV2020) est tout simplement une insulte faite aux femmes*. Surtout quand on sait qu’en Suisse, environ 60% des femmes* âgées de 25 à 54 ans travaillent à temps partiel, en particulier quand elles ont un·e partenaire. Pour les hommes, le temps partiel ce n’est que dans un cas sur dix. Donc les femmes* gagnent moins, elles ont une retraite misérable et elles devraient en plus supporter sur leurs épaules la réforme des retraites! 

De plus, si les femmes* gagnent moins, elles ne bossent pas moins que les hommes! Car au-delà de leur travail rémunéré, elles assument encore une grande partie du travail domestique, sans revenu pour ces tâches ménagères, éducatives, sociales, organisationnelles qui sont en plus déconsidérées.  Notre société tourne donc grâce au travail gratuit des femmes*!

Parce que donner gratuitement du temps pour les enfants et la famille n’est pas le rôle naturel des femmes, nous devons renforcer les services publics d’accueil de l’enfance, mais surtout créer un véritable congé paternité et parental sans s’attaquer au congé maternité! Prendre la décision de faire un enfant est certes une question privée, mais c’est aussi une pression sociale que l’on fait porter aux femmes*, sans pour autant leur donner les moyens de l’accomplir sereinement. La contraception n’est pas remboursée tout comme certains actes médicaux en lien avec une grossesse, menée ou non à son terme. La santé sexuelle des femmes* ne doit plus être, au mieux, une affaire privée, au pire, un tabou. Les traitements auxquelles les femmes* ont droit ne doivent pas être moins bons que ceux données aux hommes à causes de stéréotypes. C’est pourtant le cas! Il faut donc urgemment que la question du genre soit intégrée à la formation et à la recherche dans le domaine médical, mais aussi dans les mesures de santé publique.  

Exploitées, les femmes* sont donc aussi maltraitées. Pendant la pandémie de coronavirus, les cas de violence domestique ont augmenté dans le monde entier. Chaque année, en Suisse, 25 personnes, dont 4 enfants, meurent des conséquences de la violence domestique (2009-2016). En 2016, c’est une majorité de femmes* (65%) qui sont mortes sous les coups d’une personne de leur entourage. Et ce sont les femmes* qui sont aussi nettement majoritaires parmi les victimes d’autres violences. 1 femme suisse sur 5 a subi un acte sexuel non consenti au moins une fois dans sa vie! Il est donc indispensable de mettre en place un plan fédéral de lutte contre les violences sexistes, sexuelles et domestiques en accord avec la Convention d’Istanbul, accompagné d’un outil fédéral d’évaluation et de suivi du nombres des violences sexistes et des féminicides. Ce terme doit d’ailleurs être reconnu dans le Code Pénal, miroir éloquent d’une pratique judiciaire suisse sexiste et rétrograde, qui doit être réformé en profondeur pour mieux protéger les femmes*, tout comme le droit pénal sexuel qui doit absolument introduire la notion de consentement.

Ces violences sexistes insupportables s’ajoutent pour certaines d’entre nous aux violences racistes, homophobes, transphobes, validistes, classistes. En tant que militantes féministes, nous demandons à la société de s’éduquer à voir les privilèges masculins, mais pour que l’égalité soit réelle, nous devons exiger le même travail face à toutes les violences et les discriminations. Nous devons aussi nous éduquer nous-même, en particulier à voir nos propres privilèges de femmes blanches. Nous devons être des alliées inconditionnelles du militantisme antiraciste.  En tant que femmes*, nous sortons toutes de la norme virile, mais nous sommes aussi toutes différentes. Intégrer ces différences dans notre lutte en les respectant et en leur donnant une visibilité, c’est permettre la réalisation d’une société où les femmes* quelque soit leur genre, leur origine, leur couleur de peau, leur sexe assigné à la naissance, leur orientation sexuelle ou encore leur situation de handicap ne soient pas discriminées. Car c’est ensemble, dans une lutte inclusive et sans concession que nous parviendrons à sortir de la norme mâle!