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Oui à la modification de la loi sur la transplantation

Le don d’organes sauve des vies. C’est ce premier constat qui m’a poussé très jeune à m’inscrire dans le registre national des donneurs et donneuses d’organes. Ce geste, cette nécessité de devoir se déclarer comme étant favorable au don de ses organes, c’est la politique actuelle de la Suisse en matière de transplantations.  Cette méthode archaïque qui consiste à obtenir une carte annonçant mon accord est pourtant un effort que peu de personnes font. Principalement d’ailleurs parce que beaucoup ignorent que leurs organes ne sont pas donnés sans démarche préalable de leur part. Pourtant, plus de 80% de la population se dit en faveur du don de leurs organes et tissus. C’est cette statistique tirée de l’étude DemoSCOPE (2015), qui a poussé le lancement de l’initiative pour le don d’organes en 2017. 

Le don d’organe en chiffre

En 2021, 166 donneuses et donneurs sont décédé·e·s, permettant ainsi 484 transplantations d’organes. Si ces chiffres sont légèrement plus encourageants que ceux des années précédentes, ils ne sont pas non plus réjouissants. En effet, 1’434 personnes sont toujours sur liste d’attente pour bénéficier d’un nouvel organe ou de nouveaux tissus. 72 personnes de cette liste d’attente ont en revanche trouvé la mort, faute de temps, faute d’organe.

Ce manque de dons est aussi lié à un chiffre: dans 60% des cas, les proches refusent le prélèvement d’organes de la personne défunte, souvent par méconnaissance des volontés de la personne. Dans ce cas, la famille préfère ne pas prendre de risque et refuse le don. Pour les proches, être confronté•e•s à cette lourde décision au pire moment, au cœur du drame d’avoir perdu un être aimé, c’est une douleur supplémentaire et une pression difficile. Alors, pour les soulager et pour sauver des vies, il faut changer de paradigme, lever un tabou, affronter cette discussion éthique intéressante même si difficile, et présumer d’un consentement pour les défunt•e•s.

Donneur•euse a priori  

Ce changement de paradigme signifie passer d’une déclaration du souhait de donation à un consentement supposé présumé. En clair cela signifie que toute personne qui n’aurait pas explicitement annoncée au préalable qu’iel ne souhaite pas faire don de ses organes sera éligible au don. Cette pratique ne supprime pas l’entretien durant lequel les proches sont informé•e•s de la comptabilité d’un ou plusieurs organes avec un ou une potentiel•le receveur•euse. 

Cette modification est essentielle tant les chiffres cités plus haut prouvent que la volonté d’effectuer des dons est là, mais que les dons manquent. Cette approche, qui est d’ailleurs en vigueur dans la plupart des autres pays d’Europe, est logique puisque les personnes ne souhaitant pas faire de dons le savent explicitement. Et sont les plus à même d’entreprendre une démarche pour annoncer cette décision.

Ce renversement de vapeur permet de répondre au débat éthique que suscite la question du don d’organe si la possibilité de sauver une vie ne devrait pas l’emporter sur les convictions, les peurs, les doutes des proches ? Est-ce que, éthiquement, il est mieux de sauver une vie, ou de préserver la volonté supposée de la personne décédée? Et puis est-ce qu’on peut ainsi s’asseoir sur les angoisses existentielles que pourraient éprouver les proches en cas de prélèvement d’organes contre la volonté ou les croyances d’un•e défunt•e?

À titre personnel, je réponds très clairement à ces questions en disant que les familles, les connaissances, les proches des personnes malades qui attendent un organe sont au moins aussi important•e•s que les proches, les connaissances de la personne défunte, et qu’en plus cela permet de sauver des vies. Aucune religion, aucune conviction ne devrait placer l’intégrité d’un corps avant la vie d’une personne encore parmi nous.

Mais le texte règle ce problème à mon avis efficacement en permettant aux proches de se manifester s’iels savent avec certitude que la personne ne voulait pas donner ses organes. C’est l’avantage de la loi par rapport à l’initiative.

Le don d’organe en politique

Le Conseil fédéral et le Parlement ont dès lors suivi l’avis des initiant•e•s en adoptant un contre-projet plutôt fidèle au texte d’initiative. Malgré le retrait de l’initiative pour une mise en œuvre efficace et rapide du texte nouvellement adopté, les Amis de la constitution ont lancé le référendum contre le consentement présumé, raison pour laquelle nous sommes appelé•e•s à voter sur le sujet le 15 mai 2022.

Si ce sujet me tient à cœur, c’est que le don d’organe est un acte de solidarité, en faveur du droit de rester. Cela signifie souvent de belles années de vie en plus chez les personnes receveuses, chez des jeunes c’est parfois une vie entière que l’on sauve et parfois c’est aussi une vie moins douloureuse que l’on peut offrir à un•e malade. 

Voter OUI en mai sera également un signe clair en soutien des proches. Les proches soulagé•e•s de cette lourde décision et les proches qui pourront compter, sur un accès facilité à des organes compatibles pour celles et ceux qu’iels aiment.

Pour finir, j’ajoute que ce débat participe à des réflexions de fond sur la mort dans notre société, les directives anticipées et l’autodétermination. Pour en parler, j’ai cofondé avec des collègues un groupe interparlementaire : promotion des outils de décision pour la fin de vie, débat sur la place de la mort dans notre société sont au menu. Cela prolonge mon engagement sur le sujet, avec par exemple la demande au Grand conseil vaudois de la tenue d’Assises de la mort, avec succès car elles se tiendront cette année.